
Photo: Jozo_Palkovits
J’ignorais avec quelle entrevue lancer officiellement le blogue. Je savais que ce serait avec un groupe culte, mais j’en ai interviewé quelques-uns dans les cinq années de l’aventure ARSENIC. Puis, cette semaine, en voyant passer des messages de Jonathan Hudon sur Facebook à propos de Hellhammer et de Celtic Frost, me rappelant à quel point j’avais adoré mon entretien avec Martin Ain et surtout, l’album Monotheist, je me suis dit que ce serait un bon choix. L’entrevue remonte à 2006. Elle est parue dans l’édition #5 (Automne 2006). Celtic Frost n’existe plus (pour le moment!) et Monotheist pourrait bien être leur dernier album en carrière. Bonne lecture!
Par Martin Guindon
C’est un peu par hasard que j’ai accepté de faire une entrevue avec Celtic Frost. On m’en a offert l’opportunité alors que toutes les entrevues pour ce numéro étaient décidées et j’ai finalement saisi l’occasion de parler avec une légende vivante, sans savoir si ça allait être Tom G. Warrior ou Martin Ain. J’ai connu Celtic Frost avec le clip de «Circle Of The Tyrants», diffusé à Solidrok à l’époque… une sorte de show avec full stroboscope et le logo de Celtic Frost qui ressort en arrière. Un peu surréaliste pour un non-initié. Puis, j’ai découvert Hellhammer en entendant une chanson d’épouvante à l’émission de radio Métal Militia (animée par notre cher Tower of Death) dans les mêmes années. J’ai adoré l’album INTO THE PANDEMONIUM, et découvert plus tard les MORBID TALES et TO MEGA THERION. J’ai décroché avec COLD LAKE. L’ambiance froide que j’aimais tant venait de disparaître au profit d’une sorte de glam métal fucké. Mais, bon, revenons en 2006. MONOTHEIST marque le retour de Celtic Frost et c’est un retour solide. Pas un chef d’œuvre, mais rien qui ne vienne entacher la réputation du groupe. Beaucoup de questions me viennent à l’esprit et cette entrevue se prépare assez facilement, avec notamment le concours de Tower. Rendez-vous téléphonique donc à 15 h, le 23 août. 15 h 15, rien. 15 h 30 toujours rien. J’envoie un courriel à la personne responsable de l’entrevue. Martin est pris dans une autre entrevue, il m’appelle dès qu’il a fini. Ça sonne vers 16 h. C’est lui. Et l’attente en valait la peine. Martin Ain s’est montré particulièrement sympathique et généreux. Voyez par vous-mêmes.
Avant même de parler du nouvel album et de la tournée, je voulais profiter de l’occasion pour parler un peu du passé. Quand vous vous êtes lancés dans Hellhammer, Tom et toi, existait-il seulement une scène métal en Suisse, outre peut-être le groupe Krokus?
Outre Krokus et tous ces groupes qui voulaient être des Krokus, tu veux dire. Parce que tout ce que nous avions comme scène de métal underground à l’époque était constitué de groupes qui voulaient sonner comme Krokus ou encore Scorpions. Des groupes plus heavy comme Iron Maiden et Motörhead étaient vus comme des parias à l’époque. Ils ont vraiment commencé à être pris au sérieux avec NUMBER OF THE BEAST et ACE OF SPADES. Mais les débuts du thrash, du death ou du black étaient totalement ignorés. Les gens riaient tout simplement de nous et de notre musique. Nous étions des pionniers de notre genre dans notre pays.
Tu étais dans Hellhammer avec Tom dès les débuts?
En fait, il a commencé sans moi. Dans les débuts, il y avait le batteur Bruce Day, qui n’était pas le premier batteur, mais celui qui jouait sur le premier démo. Il y avait aussi Steve Warrior, le prétendu frère de Tom. Ils étaient les fondateurs de Hellhammer. Mais j’ai joint peu de temps après la réalisation du premier démo. J’ai remplacé Steve à la basse.
Le groupe a fini par se séparer et de ses cendres est né Celtic Frost, en 1984?
Oui, après l’enregistrement de notre premier EP, APOCALYPTIC RAIDS (Noise, 1984), Hellhammer avait complété sa vie utile pour nous.
Celtic Frost a sorti un premier EP de six chansons en Europe, MORBID TALES. Étrangement, le même album comprenait deux chansons de plus en Amérique (merci Tower!)?
Oui, il comptait en effet huit chansons dans sa version américaine, parce que la compagnie de disque là-bas voulait absolument en faire un long jeu.
Et la version originale européenne de MORBID TALES, étrangement, ne contenait même pas la chanson titre, alors qu’ici en Amérique, nous l’avions sur l’album? Pourquoi?
Oui, c’est vrai. La compagnie de disque à l’époque croyait qu’il était plus astucieux de sortir des EP, après le succès d’APOCALYPTIC RAIDS en Europe. Ils ont préféré conserver des chansons pour pouvoir les mettre sur des compilations ou encore sur un autre EP qui suivrait MORBID TALES. Aux États-Unis, la compagnie de disque croyait qu’il était mieux de sortir un album complet. En Europe, nous avons envoyé trois nouvelles chansons enregistrées avec notre nouveau batteur de l’époque, Reed St. Mark (ex-Mindfunk), aux gens de la compagnie de disque parce qu’ils voulaient l’entendre à l’œuvre. Nous avions eu tellement de difficultés à trouver un batteur adéquat. Ils les ont aimées et en ont fait un nouvel EP de cinq chansons, THE EMPEROR’S RETURN (Noise, 1985), avec «Circle Of The Tyrants», «Visual Aggression» et «Suicidal Winds» ainsi que les deux chansons qui n’étaient pas sur le premier EP («Morbid Tales» et «Dethroned Emperor»).
Est-ce que c’est à ce moment que le groupe a pris son envol? Je me rappelle avoir vu un vidéo pour la chanson «Circle Of The Tyrants» à l’époque…
Non. La version de «Circle Of The Tyrants» pour laquelle nous avions fait un clip était celle que l’on retrouve sur l’album TO MEGA THERION (Noise, 1986). C’est là qu’on a vraiment pris notre envol. Avec MORBID TALES, plusieurs journalistes de la scène métal croyaient toujours que Celtic Frost était tout simplement Hellhammer avec un nom différent, même si pour nous, ça ne l’était vraiment pas. Nous avions une approche totalement différente avec Celtic Frost. TO MEGA THERION, avec la pochette de Giger, nous a vraiment propulsés à l’avant-scène du métal underground.
Pourquoi n’étais-tu pas sur cet album classique?
J’ai rejoint le groupe immédiatement après la réalisation de l’album. En fait, j’ai participé au réenregistrement de trois chansons pour l’album (NDLR : il est crédité de la basse sur les chansons «The Usurper» et «Jewel Throne»). J’avais des problèmes personnels majeurs à cette époque. J’habitais encore à la maison avec mes parents, qui ont commencé à comprendre que mon rêve de devenir un musicien de rock était en train de se réaliser. Ça a créé de très fortes tensions chez moi, parce que mes parents n’étaient pas d’accord du tout avec l’idée. Ce fut vraiment laid. Il faut quand même préciser qu’en 1984, j’avais 16 ans. À la sortie de TO MEGA THERION, j’allais avoir mes 18 ans. Ce fut une période difficile et j’ai dû me retirer momentanément du groupe. Ils m’ont donc remplacé en studio (NDLR : par Dominic Steiner), ce qui n’a pas vraiment bien fonctionné. Mais j’ai quand même été fortement impliqué dans la conception de cet album. Le titre est de moi. L’idée de mettre la peinture de Giger (NDLR : intitulée «Satan». HR Giger est un peintre surréaliste suisse) sur la couverture de l’album était la mienne. J’ai écrit certaines musiques et des textes, dont ceux de «Dawn Of Meggido» et «Necromantical Screams».
Tu viens de parler de la toile de HR Giger qui illustre la pochette de l’album. Ce fut vraiment une idée de génie…
Giger était assez bien connu de la scène métal à l’époque. Il avait remporté un Oscar pour le film «Alien» et tout le monde avait vu cet excellent film. C’était un des films d’horreur ou de science fiction les plus marquants. Pour nous, c’était vraiment prestigieux de pouvoir utiliser son art pour illustrer un album. Il nous avait laissé gratuitement les droits sur cette œuvre à l’époque de Hellhammer. Mais on n’avait pas voulu l’utiliser, parce qu’on ne sentait pas que notre musique en était encore digne. On sentait que l’œuvre d’art était fort supérieure à notre musique. On s’est dit qu’on devrait d’abord améliorer notre musique avant de l’utiliser. Il fallait que notre musique soit à la hauteur de cette œuvre. Et pour nous, il était clair que la musique sur TO MEGA THERION l’était. La seule chose que Giger ne voulait pas, c’était qu’on utilise l’image sur la marchandise commerciale, comme les t-shirts, etc. Mais on pouvait l’utiliser pour faire la promotion de l’album.
En regardant la pochette de cet album, on ne peut s’empêcher d’être nostalgique de l’époque du vinyle, qui offrait tellement de possibilités d’un point de vue artistique.
Tout à fait. C’est aussi mon avis. Voilà une des nombreuses occasions où l’industrie du disque s’est vraiment tirée dans le pied. C’est l’une des raisons pour lesquelles les gens achètent moins de disques de nos jours. Un disque, c’est devenu un simple produit à consommer, en version numérique et digitale. Le format CD n’a certes pas aidé. Plusieurs personnes achèteraient encore des vinyles juste pour le travail artistique de nos jours. C’est beaucoup plus près de la qualité d’une peinture. Je préfère la version vinyle de cet album à celle en CD, et de loin.
On n’a pas travaillé pendant quatre ans pour créer cet album, pour ensuite tourner pendant pratiquement toute une année juste pour laisser tout ça dormir ensuite. L’idée ici, c’est que Celtic Frost est de retour!
Qu’est-ce qui explique selon toi que Celtic Frost ait ainsi explosé au milieu des années 80 sur la scène métal extrême?
Je crois que c’est parce que nous faisions notre propre affaire. Tout comme Slayer et quelques autres groupes à cette époque, on proposait quelque chose de différent de tout ce qui pouvait se faire alors. Nous étions au bon endroit, au bon moment, à créer la bonne musique. Plusieurs facteurs sont entrés en ligne de compte.
Vous avez ensuite sorti mon album préféré de Celtic Frost, INTO THE PANDEMONIUM (Noise, 1987). Déjà à cette époque, il était clair que le groupe n’allait pas faire deux fois le même album. Était-ce intentionnel ou tout simplement naturel?
C’était naturellement intentionnel (rires). On voulait définitivement faire les choses différemment à chaque album, mais sans trop savoir ce que nous voulions vraiment faire. On expérimentait beaucoup et c’est ce qu’on retrouve en partie sur cet album. Par exemple, quand on a commencé à créer «One In Their Pride», on n’avait absolument aucune idée de ce qu’elle allait devenir à la fin du processus. Nous essayions des affaires alors que nous avancions. On découvrait des choses. Nous avons été parmi les premiers à utiliser un clavier avec de l’échantillonnage. C’était un Yamaha avec un taux d’échantillonnage de trois secondes. Peux-tu imaginer cela? Nous avons alors réalisé à quel point il pouvait être difficile de mettre ça sur les rubans et éditer tout ça. Nous n’étions pas à l’ère du numérique et de l’informatique. Il nous fallait un ordinateur et à cette époque, le seul qui possédait une interface midi était l’Atari. Quand nous avons apporté l’échantillonneur et l’ordinateur au studio en Allemagne (NDLR : le même utilisé pour enregistrer MONOTHEIST, à Hanovre), pour les brancher à la console de son… l’ingénieur de son et notre coproducteur nous ont regardé avec un air vraiment ahuri. Ils n’avaient jamais vraiment vu un ordinateur. Les premiers logiciels pour faire du travail en studio sortaient à peine et plusieurs techniciens n’avaient encore jamais travaillé avec ça. On expérimentait donc très librement. Il y a des choses qu’on a simplement essayées pour voir ce que ça donnerait et si on les aimait, ça se retrouvait sur l’album.
Prendre des risques… ça m’amène à ma prochaine question. En 1988, vous avez sorti COLD LAKE (Noise, 1988) tout droit du champ gauche.
Je crois que ça s’explique essentiellement par le fait qu’il ne restait que Tom du noyau original du band. Reed et moi avions quitté. Il avait ramené Steve (Priestley, batterie), qui jouait sur MORBID TALES. Nous ne l’avions pas gardé parce qu’il n’avait jamais voulu s’investir complètement dans le groupe et je crois qu’il avait laissé Tom agir pas mal à sa guise pour COLD LAKE, sans rien n’y apporter sur le plan créatif. Il était un excellent musicien, mais pas un créatif. Les deux autres musiciens écrivaient de la musique abominable. Je crois que le problème était surtout là pour COLD LAKE. L’album comprend des bonnes chansons. Je n’avais pas vraiment de problèmes avec l’image, qui était la décision de Tom. Ça n’aurait pas été MON style, je serais allé totalement à l’opposé. Mais je crois que c’est vraiment au niveau de la composition que cet album a manqué. Nous en avons joué certaines chansons en spectacle lors de la tournée pour VANITY/NEMESIS (Noise, 1990). Mais d’autres chansons sont tout simplement abominables. Je crois que Tom a beaucoup plus de misère avec cet album que moi je peux en avoir. Il faudrait lui demander son avis, mais il a déjà déclaré en plusieurs occasions que COLD LAKE, c’était de la grosse merde. Je crois que ce qu’il a pu réaliser avec cet album, c’est que Celtic Frost n’était pas que son affaire sur le plan créatif, mais la mienne aussi. C’est pourquoi il m’a demandé de revenir pour VANITY/NEMESIS, mais je crois que dans ce cas-ci, j’ai joint le groupe un peu trop tard. La plupart du travail d’écriture était déjà effectué et je n’ai pu qu’apporter une faible contribution. Et je ne l’ai pas vraiment fait correctement, parce que je vivais beaucoup d’insécurité à l’époque. J’ai eu du mal à m’investir dans cet album, que je trouve quand même correct, mais il y avait encore des faiblesses au niveau de l’écriture. Tom et Curt (Bryant, guitare) n’ont pas été assez aventureux. Ils avaient tellement peur de manquer leur coup à nouveau comme sur COLD LAKE, qu’ils ne voulaient plus prendre de risques. La production faisait aussi défaut. Je crois que c’est un bon album métal, mais qui n’a pas vieilli aussi bien que TO MEGA THERION ou INTO THE PANDEMONIUM. Je crois que «Phallic Tantrum» et «Third From The Sun» étaient de bonnes chansons et on pourrait les jouer aujourd’hui avec d’autres chansons comme «Return To The Eve» sans problème.
Je crois que ce que Tom a pu réaliser avec COLD LAKE, c’est que Celtic Frost n’était pas que son affaire sur le plan créatif, mais la mienne aussi.
Et qu’est-ce qui a finalement mené à la séparation de Celtic Frost, en 1990?
Nous étions complètement vidés. Nous étions épuisés en tant que groupe. On ne parvenait plus à recréer l’unité au sein du groupe sur le plan créatif. Nous avons essayé avec VANITY/NEMESIS, mais sans succès. On la jouait trop «safe» et une des raisons pour ça, c’est qu’on ne jouait plus vraiment ensemble. Il n’y avait plus suffisamment de frictions entre nous. Tom voulait faire des choses différentes. Pour ma part, j’avais besoin de temps pour me retrouver et savoir ce que je voulais faire de ma vie. C’est la raison pour laquelle on a tout arrêté. En 1992, Tom a essayé de relancer Celtic Frost avec Curt et Reed. Ils ont fait des démos. Mais il en était arrivé à la conclusion que ça n’allait pas marcher, alors il a mis tout ça de côté.
Pendant cet arrêt, Tom a travaillé à son projet Apollyun Sun?
Oui. Il a sorti deux albums avec Apollyun Sun. Il s’est aussi penché sur l’écriture d’un livre sur ses souvenirs de Celtic Frost, intitulé «Are You Morbid?» Pour ma part, après avoir passé une couple d’années à me chercher, j’ai lancé des entreprises. J’ai organisé des concerts à Zurich. J’ai eu des clubs. J’ai dû organiser quoi… entre 400 et 500 shows à Zurich en dix ans? Pas nécessairement du métal, mais beaucoup de punk, du hardcore, du crossover et du rock n’ roll garage.
Quand et comment l’idée de reformer Celtic Frost vous est-elle venue?
C’est une idée qui nous a toujours trotté derrière la tête. On se demandait toujours comment les choses iraient aujourd’hui, ou pourquoi Celtic Frost avait foiré… parce que ce fut une partie importante de nos vies pendant notre jeunesse. En 1999, nous avons été approchés par notre ancienne compagnie de disque pour travailler à la réédition de nos vieux albums. Tom et moi nous sommes retrouvés et on s’est à nouveau demandé à quoi ressemblerait Celtic Frost de nos jours. Serait-il seulement possible de relancer le groupe? S’agissait-il de quelque chose qui était propre à une époque et qu’on ne pourrait faire revivre? Il nous est alors apparu clairement que le feu brûlait toujours et qu’il n’en tenait qu’à nous, si on voulait raviver la flamme.
Alors, vous vous êtes assis et vous avez composé le matériel pour un nouvel album?
On a commencé par s’asseoir et discuter. Et pour un bout de temps en plus. Ensuite on a commencé à écrire et à jouer de la musique. Puis, on a cherché les bons musiciens pour ce faire. D’abord, on a cru qu’on pourrait le faire avec Reed, mais ça n’a pas fonctionné pour différentes raisons. Le timing n’était pas bon pour lui. Nous avons déniché Franco (Sesa, batterie), puis Errol (Unala, guitare) que Tom avait apporté de Apollyun Sun. Mais plus Celtic Frost prenait forme, plus on se rendait compte que Errol n’était peut-être pas la personne idéale finalement. Je crois que Errol a aussi réalisé la même chose, mais ce fut néanmoins difficile de le laisser aller parce que nous avions travaillé avec lui pendant trois ans. Il n’a pas fallu quatre ans pour écrire des chansons, mais bien pour former à nouveau un groupe et ensuite écrire des chansons.
Quel fut le processus de création, justement?
Nous avons pris une approche très libérale, encore plus que pour INTO THE PANDEMONIUM. On a œuvré avec tous les moyens possibles. Des chansons ont commencé par seulement une ligne de chant, sur laquelle on a ensuite développé une harmonie à la guitare et qui est devenue «A Dying God Coming into Human Flesh». D’autres chansons ont pu être écrites au clavier, ou à l’ordinateur, puis retranscrites pour chaque instrument, où elles ont ensuite vraiment pris forme. C’est comme ça qu’on a composé «Ground» par exemple. Nous étions donc complètement ouverts dans notre approche et nous avons pris notre temps. Nous avons réécrit des chansons trois ou quatre fois. Et on n’ajoutait pas des choses, mais on n’en enlevait. Nous avons réalisé que moins, c’est mieux (NDLR : «Less is more»). C’est devenu notre maxime, notre credo. On s’est dit qu’il fallait ramener les choses à leur essence même. Distillons le tout et essayons de découvrir ce qu’est vraiment l’essence de cette chanson. Quelle est l’émotion qu’elle contient, et y mettre l’accent. Plus de notes ne font pas nécessairement une meilleure chanson.
Et je crois bien que émotion est un mot clé pour Celtic Frost, n’est-ce pas? Particulièrement sur MONOTHEIST…
Tout à fait. En fait, je pense que chaque album de Celtic Frost qui était vraiment bon et qui s’est avéré durable, c’était ceux qui étaient personnels et émotionnels. Les vieux albums qui avaient vraiment une partie de nous dans leur musique. Nous avons constaté que VANITY/NEMESIS était un bon album, mais qui n’avait pas vraiment cette dimension émotionnelle. Cet album a été créé davantage sur une base intellectuelle que émotionnelle. Comment cet album devrait-il sonner? Que devrions-nous faire à ce moment-ci? Blah, blah, blah, tu sais? Avec MONOTHEIST, ce sont les émotions qui ont primé. Quand nous avons débuté, nous n’avions pas de compagnie de disque. On l’a fait à nos frais et ça ne regardait que nous. Après une journée de travail, on allait au local de répétition et on écrivait des chansons tout en essayant de redevenir un groupe. Il y avait beaucoup d’émotions dans ce processus. Nous avons rencontré plusieurs difficultés, des problèmes personnels… plusieurs squelettes sont sortis des placards pendant la création, en lien avec nos relations, entre Tom et moi par exemple… tout ça s’est manifesté dans notre musique sur cet album. Je crois que c’est certes l’album le plus sombre et le plus personnel que ce groupe n’a jamais produit.
J’imagine que les textes sont aussi reliés à toutes ces émotions…
Pour la plupart, oui. Certaines à un niveau plus personnel et d’autres, à un niveau disons plus abstrait. Je crois que c’est d’ailleurs, à cet effet, l’album le plus intime que le groupe n’a jamais écrit.
Où vouliez-vous en venir musicalement avec cet album? Parce qu’à l’écoute, on sent bien que vous allez dans plus d’une direction.
On n’a rien fait de vraiment conscient. Quand on a commencé à travailler sur l’album en 2001, on a juste écrit les choses qui nous venaient à l’esprit. On a écrit du matériel pour deux albums et demi, peut-être trois, pendant ces quatre ou cinq ans. Nous avons dû jeter au moins 20 chansons, particulièrement ce qui est sorti des deux premières années. Nous avons écrit 13 chansons que nous avons finalement laissé tomber. Des idées que Tom et Errol ont apportées et qu’ils avaient peut-être déjà avec Apollyun Sun, mais qui ne fittaient pas avec leur projet. Il y avait des idées que je trimbalais depuis des années et qui n’étaient finalement pas adéquates pour Celtic Frost. C’était de bonnes idées, qui feraient peut-être de bonnes chansons, mais qui n’auraient sans doute pas marché pour Celtic Frost. Nous avons découvert que plus nous écrivions, plus on découvrait le véritable propos de ce groupe de nos jours. On réalisait en même temps qu’on voulait une certaine variété sur l’album. Une sorte de paysage émotionnel. Un reflet de nos vies et non l’expression d’une seule émotion. La vie humaine contient son lot d’émotions différentes et c’est ce qu’on voulait reproduire. Il nous a fallu quatre ans pour refaire ce groupe et créer un album. Normalement, en quatre ans, un groupe de heavy métal va produire trois albums et faire quatre tournées. Ça démontre un peu l’ampleur du processus. On te ferait entendre certaines chansons et jamais, tu ne devinerais qu’il s’agit de Celtic Frost. Par moment, nous étions particulièrement expérimentaux. Certaines d’entre elles ont bien failli se rendre sur l’album. On s’est dit qu’on devrait peut-être les inclure, mais bon, finalement, elles ne faisaient tout simplement pas l’affaire. Nous avons toutefois inclus une de ces chansons en tant que bonus sur la version en vinyle de l’album, intitulé «Incantation Against You». As-tu déjà entendu cette chanson? (Non.) OK. C’est la première chanson entièrement a capella de Celtic Frost. Il y a un chœur masculin en appui à une chanteuse (NDLR : Simone Vollenweider, qui a souvent chanté en studio pour CF) qui interprète un texte inspiré d’écrits mésopotamiens sur les rituels du bannissement et du «Maklu», un texte tiré du Necronomicon que nous avons traduit en anglais. C’était strictement une expérience, quelque chose de complètement différent, et nous l’avons inclus comme chanson bonus parce qu’on ne sentait pas qu’elle pouvait aller sur le CD. Nous avons aussi écarté d’autre matériel comme cela. L’album fait quoi? 73 minutes? C’était déjà assez long.
L’album est paru sur Century Media. Vous n’avez pas dû avoir beaucoup de mal à trouver une maison de disque pour sortir MONOTHEIST…
En fait, c’est une licence pour le monde entier. Nous avons tout financé pour pouvoir tout faire par nous-mêmes. Nous avons embauché et payé Peter Tagtgren. Tout le processus créatif a été réalisé à nos frais, selon nos propres termes. On ne voulait surtout rien donner à l’industrie du disque. Il y avait beaucoup d’intérêt de la part de compagnies de disque, surtout celles spécialisées dans le métal, évidemment, et plusieurs d’entre elles voulaient tout avoir. Nous sommes déjà passés par là et ça ne nous intéressait pas du tout de revivre ça. Ou bien vous acceptez de travailler avec nous en tant que partenaires, ou on ne travaillera pas ensemble. Et ça a très bien fonctionné avec Century Media.
Vous avez choisi Peter Tagtgren pour cet album et il a fait tout un travail ici. Pourquoi l’avez-vous recruté et surtout, lui a-t-il fallu plus d’une seconde pour accepter?
Il est venu en Suisse, à Zurich, après une tournée américaine. Nous nous sommes assis ensemble au local de répétition. Nous lui avons fait entendre tout le matériel que nous avions, les démos, etc. Nous avons parlé de l’album et il a finalement accepté. Il voulait d’abord savoir dans quelle direction Celtic Frost s’en allait… ce qui était d’ailleurs une question sur toutes les lèvres. Avec Celtic Frost, ce n’est pas comme avec Motörhead. Je veux dire, tu sais toujours à quoi t’attendre avec Motörhead, mais pas avec Celtic Frost. En fait, tu sais que tu n’auras pas ce à quoi tu pourrais t’attendre. Quand il a entendu le matériel, il a accepté le job. Nous l’avions choisi parce qu’on voulait quelqu’un qui réalisait d’où on venait et ce qu’est Celtic Frost dans l’univers métal. Peter a grandi en écoutant du Celtic Frost. C’était un des groupes avec lesquels il a appris à jouer de la guitare et qui l’a inspiré pour la musique qu’il a créée avec Hypocrisy. On voulait quelqu’un qui était aussi un créatif, et non un simple technicien, producteur ou ingénieur. Quelqu’un qui sait à quel point le processus créatif peut être exigeant et difficile. On savait qu’on allait vivre beaucoup de catharsis en studio et qu’il y aurait beaucoup d’émotions. Ça n’allait pas être un enregistrement facile ou joyeux. Et je crois que ça transparaît dans la musique sur l’album. Il nous fallait donc quelqu’un capable de nous aider à traverser tout ça dans le studio. Peter s’est avéré le choix parfait. Ah oui, il fallait aussi un producteur accompli, capable de travailler avec tout l’équipement moderne qu’on retrouve aujourd’hui dans un studio. Peter a apporté tout ce dont nous avions besoin. Je crois qu’il n’a pas été facile de travailler avec nous, mais qu’il aime lui aussi le résultat final.
Tu as dit que personne ne savait vraiment à quoi s’attendre d’un nouvel album de Celtic Frost. Vous deviez savoir que des fans old school allaient détester l’album, peu importe ce que vous alliez sortir, et crier au sacrilège. Est-ce un poids insupportable que de devoir vivre à la hauteur de sa propre légende, ou bien vous n’en aviez rien à foutre?
On s’en foutait éperdument. On a essayé de laisser notre héritage intact en évitant justement de copier bêtement ce que nous avions fait à l’époque. L’idée de sonner comme TO MEGA THERION ou MORBID TALES, ou encore d’être aussi avant-gardistes que sur INTO THE PANDEMONIUM ne nous a même pas effleuré l’esprit. Ce sont des temps nouveaux. On ne peut plus être aussi innovateurs que nous avions pu l’être à l’époque. Il n’y avait rien dans ce temps-là! Aujourd’hui, il existe tellement de genres, de sous-genres et de niches dans ces sous-genres… et de groupes qui ont pratiquement tout expérimenté sur le plan musical. Ce serait vraiment difficile. Certains ont expérimenté avec les instruments médiévaux, d’autres ont ajouté de l’électronique. La musique métal, en ce moment, est aussi diversifiée qu’elle ne l’a jamais été. On retrouve une foule d’influences, que ce soit le punk, le hardcore, la musique classique… regarde Therion par exemple, avec ses orchestrations classiques. Donc, tout a été fait ou presque. On s’est dit qu’on n’avait même pas à essayer de refaire tout ça. On fait ce qui nous apparaît important pour nous, maintenant. C’est l’une des raisons qui nous ont poussés à créer, plutôt que de partir en tournée pour faire nos bons vieux hits et ainsi créer des attentes pour que le prochain album sonne comme une suite à TO MEGA THERION par exemple.
Tu as parlé de Reed St. Mark plus tôt. Il aurait pu rejoindre le projet, mais ce n’est pas arrivé. C’est la même chose pour Steve?
Nous n’avons jamais considéré Steve, parce qu’on savait qu’il ne serait pas vraiment intéressé. On veut se consacrer à 100% à ceci, à temps plein, et nous avons trouvé la personne idéale pour ce faire avec Franco. Il nous a fallu un peu de temps pour créer l’unité dans le groupe, mais là je pense que Franco est davantage un membre de Celtic Frost que tous les autres, à l’exception évidemment de Tom et moi, et peut-être aussi de Reed. Mais Franco prend son rôle plus à cœur au sein du groupe que Reed ne l’a jamais fait. C’est l’une des raisons qui expliquent que Celtic Frost est de retour parmi les vivants!
Vous serez à Montréal le 16 septembre. Ça fait quoi de remettre les pieds dans cette ville où vous avez pris part au légendaire Festival World War III…
C’était notre premier concert en sol nord-américain et quel spectacle ce fut. Les festivals métal étaient à peu près inexistants à cette époque. Jouer avec Possessed, Voivod, Destruction et Nasty Savage… c’était assez unique comme expérience. On avait passé du bon temps à Montréal, avec les gars de Voivod et Agression. Je garde d’excellents souvenirs de cet événement. Nous sommes ensuite partis pour les États-Unis pour une première tournée avec Voivod. Alors, j’ai été «entouré par Montréal» pendant des mois (rires).
Vous avez bien connu Piggy. Comment aviez-vous réagi à l’annonce de son décès?
Nous étions en studio quand c’est arrivé. Je fus très triste quand j’ai entendu la nouvelle, bien que je m’y préparais. On connaissait son état de santé. On savait qu’il combattait la maladie. Mais c’est toujours triste de perdre un bon musicien, qui était aussi un bel être humain qu’on a bien connu. Ça nous rappelle en même temps à quel point nous sommes petits et futiles dans cet univers. Piggy a créé de l’excellente musique et je crois qu’il a influencé plusieurs bons musiciens au fil des ans. Son patrimoine va subsister. Je suis curieux de voir comment le restant du groupe va poursuivre sans lui. Je ne crois pas que Snake et Away vont tout laisser tomber.
As-tu entendu le nouvel album?
KATORZ (The End, 2006)? Non, pas encore. Je l’ai commandé, mais je ne l’ai pas encore reçu. J’ai bien hâte d’entendre ça.
Revenons à la tournée. Quel type de setlist avez-vous concocté? Le choix n’a pas dû être facile… allez vous pousser davantage vos classiques ou les chansons du nouvel album?
On a pratiqué en «quarts». Le setlist devrait être un quart MORBID TALES, un quart TO MEGA THERION, un quart INTO THE PANDEMONIUM et un quart MONOTHEIST. C’est ce que les gens vont entendre durant cette tournée. Nous avons pratiqué plus de 110 minutes de matériel et on va en jouer de 80 à 90 minutes, ce qui nous laisse un peu de marge de manœuvre pour ne pas faire continuellement le même show. Des chansons clés seront évidemment de tous les sets. Pour cette tournée, nous allons nous concentrer davantage sur les classiques que nous ne le ferions normalement avec un nouvel album qui vient de paraître. Plusieurs personnes n’ont jamais vu/entendu «Circle Of The Tyrants» en concert. Même les gens qui nous ont vus en 1986 ou 1987 n’ont probablement jamais vu «Dawn Of Megiddo» ou «Necromantical Screams». Certaines chansons seront définitivement jouées pour la première fois en Amérique du Nord.
Oui, car ce sera votre première tournée ici en quoi, 16 ou 17 ans?
18 ans, en fait, si mes calculs sont exacts. C’est beaucoup de temps. Des gens qui seront au spectacle n’étaient même pas nés lors de notre dernière tournée chez vous. Nous ferons ensuite une tournée européenne.
Est-ce que tu sais si Apollyun Sun est toujours un groupe actif?
Non, je ne le crois pas en ce moment. Tom pourrait te dire qu’ils ne sont pas actifs et qu’ils ne le seront pas pour un petit bout. Et la séparation qu’on a vécue avec Errol risque de compliquer les choses. Lui et Tom devront s’asseoir ensemble et régler des affaires avant toute chose. Même si la séparation s’est faite à l’amiable, ces choses prennent du temps à se résorber. Néanmoins, Tom travaille sur du matériel solo… des choses qui n’ont rien à voir avec Celtic Frost. Non, attends, en fait ça l’a un peu à voir avec Celtic Frost, parce que ça sonne comme du Celtic Frost électronique et non du Apollyun Sun. Mais ça ne pourrait pas se retrouver sur album de Celtic Frost. Peut-être qu’on pourra entendre ce matériel dans quelques années, parce que pour le moment, notre centre d’intérêt à tous, c’est Celtic Frost.
Je dois comprendre que vous prévoyez faire un autre album?
Oui, absolument. On y travaille déjà. On écrit tous du matériel et on réunit des idées. Ça ne prendra pas un autre quatre ans pour produire le prochain album. On aimerait vraiment l’enregistrer dans la prochaine année, autant que possible, après les tournées. À ce jour, MONOTHEIST connaît un bon succès et on reçoit de nouvelles offres de tournée. Après les États-Unis, nous devrions aller en Amérique du Sud. Il y a aussi des discussions pour une tournée japonaise. En février et mars, nous ferons une tournée européenne. On verra ensuite dans quel état sera le groupe. Mais on n’a pas travaillé pendant quatre ans pour créer cet album, pour ensuite tourner pendant pratiquement toute une année juste pour laisser tout ça dormir ensuite. L’idée ici, c’est que Celtic Frost est de retour! Mais bon, nous sommes tous suffisamment vieux et matures pour savoir qu’on ne peut prédire l’avenir (rires).
Le livre «Are you morbid?» sera-t-il réédité? Ou aura-t-il une suite? (Autre question de Tower)
Tom a été approché. Et je crois qu’il aimerait bien prendre le temps de le mettre à jour et modifier des petites choses que l’éditeur précédent avait faites et qu’il n’aimait pas. Il n’y a pas d’échéancier toutefois. Je crois que ça viendra. Il n’a juste pas vraiment de temps à y consacrer pour le moment.
Vos roadies du début ont plutôt bien fait, dans les années 80 et 90, en formant le groupe de thrash technique Coroner. As-tu gardé le contact avec ces mecs?
Oui. En fait, je viens de rencontrer Tommy, le guitariste, la semaine dernière. Il a son propre studio ici en Suisse. Je rencontre aussi Marky de temps à autre.
Ce groupe a véritablement marqué la scène thrash à l’époque… Je sais qu’ils ont de grands fans ici au Québec. Prévoient-ils se réunir un jour?
Ils ont beaucoup de fans partout dans le monde. Mais non, ça ne fait pas partie de leurs plans. Tommy est très occupé avec le studio. Il y a investi beaucoup d’argent et il doit s’assurer que ça roule. Il y travaille beaucoup et il ne joue qu’un peu de guitare. Le connaissant, s’il voulait vraiment ramener Coroner, il voudrait se concentrer vraiment beaucoup sur la guitare. Même chose pour Marky, qui n’y montre de toute façon aucun intérêt réel. C’est du moins ce qu’ils m’ont dit.
Vous avez influencé tellement de groupes, que ce soit du death, du black ou du gothic métal. Ça doit être assez flatteur.
Oui, vraiment. Nous en sommes honorés. On réalise que c’est l’une des raisons pour lesquels Celtic Frost est toujours là et qu’on peut revenir 15 ans plus tard avec un nouvel album.
Y a-t-il un groupe dont tu as l’impression qu’il a fait le meilleur usage de cette influence?
Je crois que pour chaque groupe que j’ai écouté et qui se disait influencé par Celtic Frost, je n’y entendais rien qui nous ressemblait. Mais dans le fond, c’est à ça que devrait servir l’inspiration. Être inspiré par quelque chose pour créer sa propre affaire. Quand j’écoute du Nirvana ou du Sepultura ou encore du Opeth, je me dis : «OK, ces gars-là ont compris ce que Celtic Frost signifiait». C’est de créer ta propre affaire. C’est la chose qui a dû inspirer le plus les gens.
Comment trouves-tu la scène du métal extrême de nos jours?
Ça va bien. On retrouve vraiment beaucoup de variété aujourd’hui. Outre le black, le death et le doom, il y a aussi de l’électronique, des projets de musique extrême qu’on n’oserait pas toujours qualifier de métal, mais ça demeure de la musique intéressante. Nous venons de jouer avec un groupe de Montréal, Cryptopsy, à Londres, la semaine dernière, et c’est un groupe très impressionnant. Techniquement, ils sont vraiment excellents. Chacun de ces gars-là est meilleur techniquement que tous les musiciens de Celtic Frost réunis ne le seront jamais (rires). On n’a jamais été un groupe technique de toute façon. Les émotions et les atmosphères ont toujours primé pour nous. J’admire aussi Nile pour les mêmes raisons. J’aime tout le mouvement prog, si on peut considérer un groupe comme Mastodon comme étant du prog. Ça fait aussi partie de la scène métal extrême, même si ça se trouve peut-être de l’autre côté du spectre. Quand Opeth passent du folk au death métal, ils créent vraiment quelque chose de nouveau. Mike Akerfeld et son groupe créent vraiment une musique unique. Le métal est généralement beaucoup plus diversifié que ce que les gens peuvent penser.
J’en déduis que tu écoutes encore pas mal de métal…
Oui. Je n’ai jamais vraiment cessé. Il y a eu des moments où j’ai aussi écouté des choses très différentes. Mais j’ai toujours essayé de me tenir au courant de ce qui se passait dans la scène métal. Il y a des choses que je trouve intéressantes, alors que d’autres me laissent indifférent. Par exemple, tout ce qui a rapport au power métal ne me touche pas du tout. Iron Maiden et Judas Priest, ok, pas de problème, même Manowar au début. Je veux dire, les gars sont bien corrects et si les gens aiment ça, tant mieux, mais ne venez pas m’achaler avec ça (rires). Ce n’est pas MON métal. Il y a tellement de métal qui m’intéresse toutefois, comme tout le mouvement doom. C’est pour ça qu’on a demandé à Sunn0))) de nous accompagner pour une partie de notre tournée américaine sur la côte ouest. On vient de rencontrer Lee Dorian, de Cathedral, à Londres, qui a son label Rise Above avec des groupes comme Electric Wizard. Je les considère comme du métal extrême, même s’ils ne jouent pas extrêmement vite.
Que penses-tu de tous ces groupes des années 80 qui sont de retour? Évidemment, Celtic Frost en fait partie, mais as-tu une opinion sur le sujet en général?
En fait, j’ai plusieurs opinions, une pour chaque groupe qui l’a fait. Ils sont tous uniques. Certains groupes reviennent juste pour le plaisir de se retrouver et veulent revivre une certaine gloire… se sentir à nouveau comme s’ils avaient 20 ans. Pourquoi pas? Il y en a d’autres dont on réalise qu’ils reviennent juste pour l’opportunité de faire un coup d’argent. Certains obtiennent de bons montants pour jouer dans les festivals en Europe. Enfin, d’autres le font pour l’amour de la musique. S’ils veulent sonner comme le bon vieux temps ou moderniser leur son, ça les regarde. Mais la principale raison pourquoi on assiste à ça présentement, c’est que la scène métal est vivante et forte et il existe une demande. La scène métal est très consciente de son passé, de ses origines, et je crois que c’est un compliment aux gens qui ont bâti cette scène. On a des jeunes de 16 ans qui ont des albums de Black Sabbath à la maison… ou à tout le moins, qui ont téléchargé des albums de Black Sabbath (rires). Mais ils connaissent le riff de «Sabbath Bloody Sabbath». Ils savent que sans Black Sabbath, il n’y aurait jamais eu de black métal. Si tu dis «Black Metal», ils vont savoir que c’est une chanson de Venom. Et je ne crois pas que l’on voit ça dans les autres genres musicaux. Et en fin de compte, tu ne peux pas tromper les fans bien longtemps. Si c’est juste pour l’argent, mais que les gars font vraiment un bon show, ça va. Mais s’ils le font et qu’ils ne l’ont pas, ça va planter.
La question qui tue (gracieuseté de Tower)! As-tu déjà entendu la chanson «Celtic Frosted Flakes» du deuxième album de SOD, sorti en 1999?
(rires) Oui. Je l’ai entendue live quand ils ont fait la tournée pour supporter cet album. J’ai alors rencontré les gars, parce qu’ils sont tous de bons amis. J’ai produit un show de MOD (NDLR : autre projet de Billy Milano, chanteur de SOD) dans un de mes bars. Je crois que c’était leur premier en Suisse. Anyway, quand ils ont joué la toune, je leur ai dit que s’ils ne nous la dédiaient pas, j’allais leur entrer l’album dans le derrière (NDLR : «shove that album up your ass»). C’était la moindre des choses, il me semble! Cela dit, je la trouve bien drôle. J’aime ce genre d’humour.
Celtic Frost (2006)
Tom G. Warrior (Thomas Gabriel Fischer), voix et guitare
Martin Eric Ain, basse
Franco Sesa, batterie
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