Copperfield

[Photo: Charles Fontaine]

ARSENIC est d’abord et avant tout un fanzine métal, mais on a souvent flirté avec le hardcore et ses variantes, dont la parenté n’est jamais très éloignée du métal. On le fait encore davantage quand c’est un groupe abitibien ou québécois. Dans ce cas-ci, j’ai profité de mon passage au lancement de l’album THIS IS IT… de Slingshot Brothers au début de décembre pour piquer une jasette avec deux membres fondateurs de Copperfield, David Lavictoire et Francis Beaulieu. Le groupe a sorti son premier véritable album, MONUMENTS, le 11 novembre 2013. Celui-ci sera lancé le 22 février à Rouyn-Noranda. Je vous présente donc la 2e nouvelle entrevue d’ARSENIC, après celle avec Daniel Mongrain. D’autres sont à venir, c’est dans mes résolutions de 2014 (!). Restez à l’affût! [Vous pouvez lire ou relire l’entrevue réalisée avec David en 2011 pour Abitibi Express après la sortie du demo MMXI]

Par Martin Guindon

Copperfield. Par où commencer? Allons-y par le début. Ça fait longtemps que le groupe existe?

David: Le groupe a commencé en 2011. Le projet comme tel, ça doit faire proche une dizaine d’années que le concept me trottait dans la tête, mais on n’avait jamais vraiment concrétisé un band autour de ça.

Francis: C’était censé être un autre projet que David avait avant ça. Et moi je trippais sur le nom. Copperfield, j’aimais ça.

David: Il aimait bien l’idée, alors il disait: pourquoi on ne ferait pas ça ensemble, au lieu de laisser ça traîner. Il a réussi à me convaincre de continuer ça sur les cendres de Valet.

Dans le fond, c’est né des cendres de Valet justement. Vous êtes tous des anciens membres de ce groupe?

Francis: En fait, Yannick [St-Amand, ex-Despised Icon, Slingshot Brothers] était dans Valet. Il a été remplacé par Simon dans le groupe, qui lui prévoit maintenant partir. On est déjà en train de former tranquillement un autre gars pour le remplacer.

David: Un petit changement de line-up qui s’en vient. Les autres membres sont Christian Poulin à la batterie, Jean-Benoit Lefebvre à la basse. Ça fait longtemps que JB et moi on se connaît et on a fait différents projets ensemble [But a Statue, Of a Small Spark a Great Fire]. Christian et moi, on a déjà joué ensemble… en 2001-2002 dans un groupe [In the Forms of Regret]. C’est pas mal tout le temps le même noyau qui revient, avec des petites pauses entretemps avec d’autres projets.

Musicalement, Copperfield, c’est du métalcore?

David: Hardcore, je dirais plus. En tout cas, plus ça va, on est plus proche du punk rock que du métal, sans tomber dans le old school, parce qu’il y a encore un petit côté progressif si on veut qui touche plus au métal.

Francis: Il y a clairement des tons. Je pense que c’est un peu tous nos influences. Quand on fait la musique, on essaie de sonder un peu le terrain pour savoir qui aime quoi, pour aller chercher un peu de ce qu’on aime tout le monde.

David: Il n’y a pas vraiment de balises du genre: bon ok, on fait un hardcore punk bien classique. Il y a toujours un mixte de toutes sortes d’influences.

Est-ce que le processus créatif est collectif?

Francis: Plus ou moins. Principalement, c’est moi qui fais la musique. David fait les paroles. Ensuite, on ramasse les idées de tout le monde. On a tous des vies, tout le monde est occupé. C’est difficile parfois d’avoir les gars pour composer. On essaie de s’arranger pour que tout le monde aime ça dans le groupe.

Et sur l’album, on retrouve combien de chansons exactement?

David: C’est neuf morceaux, mais ça compte une intro et un genre de skit si on peut dire. C’est tout du matériel original. C’est sept chansons complètes.

Francis: Un petit scoop! Il était supposé d’y avoir deux tounes de Valet, parce qu’on avait enregistré la batterie et les guitares pour un album de Valet. On pensait que ces deux chansons-là allaient fitter…

David: Finalement, on s’est rendu compte que ça n’allait pas très bien se souder avec le reste. On a décidé de les laisser de côté. Peut-être qu’on pourra les réutiliser éventuellement, pour un autre projet, on verra.

Sept chansons, on parle d’un album complet ou d’un EP?

David: Ça donne environ 30 minutes de musique, dans le genre, on peut dire que c’est un album complet. [rires]

Les chansons de l’album, c’est tout du matériel récent?

David: Oui. Il y a trois des chansons qui étaient sur notre démo de 2011, mais des petits arrangements qui ont été refaits et des back vocals de plus. La qualité sonore a aussi été améliorée.

Vous avez enregistré ça à ton studio, Francis?

Francis: Non, c’est tout chez Yannick [St-Amand] sauf pour les voix. Les voix on les a faites chez nous. Mais tout le reste a été fait chez Yannick et le mastering a été fait par Jef Fortin [Badass Studio, Anonymus].

David: Tous les instruments ont été faits au Northern Studio [Villemontel, Trécesson, en Abitibi]. C’est Yannick qui a enregistré et mixé. Au niveau de la production en général, c’est pas mal le band qui produit.

Ça parle de quoi au niveau des textes? On sent qu’il y a des thèmes récurrents. Ça semble se coller beaucoup à l’histoire minière de l’Abitibi et surtout, de Rouyn-Noranda?

David: Il y a toujours ce petit côté nostalgique des débuts de la région. Ça touche beaucoup le thème minier. C’est beaucoup inspiré soit de faits vécus qui m’ont été racontés ou tout simplement de photos d’archives qui m’ont donné un flash. Copperfield, ça tourne beaucoup autour du domaine minier, le côté working class. Le contexte dans lequel la région a été bâtie. De penser que des gens sont débarqués ici au début et il n’y avait qu’une track de chemin de fer, des arbres et des lacs.

Francis: Et ça ne fait pas si longtemps que ça.

David: On peut avoir des grands-parents ou des arrières grands-parents qui ont vécu ça. Quand ils sont arrivés, il n’y avait rien du tout.

Francis: Même pas de Wi-Fi! [rires]

Est-ce que l’album est déjà disponible. Je sais que vous avez vos copies, mais est-ce qu’on peut se le procurer?

David: Oui, il est disponible sur Internet. On a fait faire une première batch de 100 copies physiques, qui est quasiment déjà toute écoulée. Sinon, il est disponible en ligne sur le bandcamp de Blind Eye Records. Il peut être commandé sur le StoreEnvy de Blind Eye. On a aussi plusieurs copies parties pour Montréal. Il va y en avoir au SoundCentral, au Knock Out à Québec.

Blind Eye Records [Facebook], c’est le projet d’un gars de Rouyn-Noranda, ça?

David: Oui, Serge Beauvais.

Francis: On ne le connaissait pas beaucoup. On a fait connaissance avec lui surtout cette année.

David: C’est un bon gars. Il est dédié à la scène. Il a le goût de faire la promotion des bands. Il veut aider à faire entendre la musique d’ici. On travaille aussi en collaboration avec GBS Records [Facebook], un label de Montréal qui a aidé à financer pour l’impression de l’album. Ils s’occupent de distribuer leurs copies dans les distros.

Et là, vous prévoyez faire un lancement en début d’année 2014?

David: Oui, on veut faire un show de lancement pour l’album. La date qui est prévue, c’est le 22 février. Il reste des détails à confirmer [Martin: C’est confirmé pour le 22 février, au Petit Théâtre du Vieux-Noranda, à 20h, avec Carey de Thetford Mines et Le Conflit de Saint-Marc-de-Figuery].

Sinon, j’ai vu que vous faisiez des shows à l’occasion, de façon ponctuelle?

David: Le dernier qu’on a fait remonte en septembre. On a joué au Broughton Fest dans le coin de Thetford Mines. On a le show de lancement qui s’en vient. Avec probablement un autre band «minier», Carey, de Thetford Mines justement. C’est un peu notre groupe frère. Ça fait référence à une mine là-bas. Les deux bands ont été révélés au public en même temps. On a un peu les mêmes idées. Au lieu de faire un petit clash avec ça, on a décidé de faire des choses ensemble.

Maintenant que l’album est sorti, j’imagine que vous allez surtout vous concentrer sur les spectacles?

David: Non, on va faire le show de lancement, ça c’est sûr, mais on travaille déjà sur du nouveau matériel. Après le show, on va tourner la page. Nos situations respectives, avec les familles, ne nous permettent pas de faire de la tournée. On va peut-être faire quelques shows. On n’haïrait pas de sortir un peu de la région.

Copperfield [2013]

Christian Poulin – batterie

David Lavictoire – voix

Francis C. Beaulieu – guitare

Jean-Benoit Lefebvre –basse

Simon Descôteaux – guitare

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Bandcamp

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Gracieuseté: Alain Labonté/Québec-Métal

Oui, le blogue ARSENIC fait revivre toutes nos vieilles entrevues réalisées pour les 12 numéros publiés. On y retrouvera aussi des entrevues inédites qui n’ont jamais eu l’honneur d’être publiées. Et, je vous l’avais promis, je vais aussi y mettre en ligne de nouvelles entrevues. C’est aujourd’hui la première de celles-ci. Je ne pouvais rater l’occasion de rencontrer Daniel Mongrain [Martyr, Gorguts, Cryptopsy, etc.] lors de son passage avec Voïvod à la soirée métal du Festival de musique émergente, le 1er septembre, à Rouyn-Noranda. D’abord parce que c’est un chic type. Ensuite, c’est un musicien extraordinaire. Et enfin, il joue avec l’un des groupes québécois qui a eu le plus d’influence sur la planète métal. On se concentre donc sur cette aventure qui dure et perdure avec Voïvod, son rôle au sein du groupe en tant que digne successeur du grand Denis Piggy D’Amour [RIP] et on parle aussi de ses différents projets. D’abord invité à accompagner le groupe sur scène, il a ensuite été intégré au processus créatif d’un premier album sans Piggy, TARGET EARTH [Century Media, 2013], le 13e effort studio du groupe. J’espère que vous allez apprécier et propager. À bientôt!

Par Martin Guindon

Dan, notre dernière entrevue remonte à l’époque de FEEDING THE ABCESS [déjà 7 ans!]. On peut dire qu’il a coulé pas mal d’eau sous le pont Laviolette depuis. On ne reprendra pas d’aussi loin, mais on va se concentrer sur l’époque Voïvod. Comment les gars t’ont-ils recruté? Comment as-tu intégré le groupe?

En fin de compte, j’ai connu Blacky [Jean-Yves Thériault, bassiste] en 2002. Maurice «Rocker» Richard, un promoteur de Montréal, voulait faire un show pour fêter les 20 ans du métal. Il nous a tous réunis et j’ai connu Blacky là. Il y avait Blacky, Flo Mounier [batteur, Cryptopsy], Pierre Rémillard [guitare, Obliveon], Pat Mireault [voix, Ghoulunatics], Marc Vaillancourt [voix, BARF/Les Ékorchés] et moi. On faisait des covers de thrash. On faisait deux tounes de Voïvod. J’ai connu Blacky à ce moment. Ça faisait longtemps qu’il n’avait pas joué de basse, je l’ai comme aidé à monter les tounes. Il a commencé à faire du son pour Martyr. J’ai croisé Michel [Away Langevin, batteur] et Snake [Denis Bélanger, voix] quelques fois. À un moment, on a eu la nouvelle que Piggy [Denis D’Amour, guitare] était malade. La fatalité a eu raison de lui. Ça nous a tous affectés. Je n’étais pas un proche de Piggy, mais j’étais un proche de sa musique. Depuis l’âge de 11 ans, mon band préféré c’est Voïvod. Tout ce que j’ai fait avec Martyr, c’est tout tiré de Voïvod directement, c’est une grosse influence dans mon style «compositionnel». C’est le band qui m’a convaincu d’acheter une guitare et de former un band. J’ai commencé à écouter du Voïvod avant de jouer de la guitare. À 11-12 ans, j’ai décidé d’acheter une guitare et de faire comme eux autres. Puis là, Piggy est décédé. Il y a eu un deuil à faire pour les musiciens, ils ont fait les albums avec les tracks que Piggy avait laissées. Je pense que c’était pas mal fini dans leur tête, ou bien ils réfléchissaient, ou ils ne savaient pas trop et avec raison. Puis on a fait les 25 ans du métal, avec le même promoteur, Maurice «Rocker» Richard, et on faisait cette fois-ci un hommage à Voïvod et Piggy en même temps. Moi, Blacky, Peter Jackson, anciennement de BARF, et Martin Fréchette, un chanteur de Lanaudière. J’avais monté le band et on avait monté un medley de 15 minutes de Voïvod. Snake, Away et la famille à Piggy étaient dans la salle. Ils nous ont vu jouer ça et ça respectait bien le son Voïvod et je pense que ç’a dû faire un déclic dans la tête de Snake et Away. À la suite de ça, j’avais aussi envoyé un e-mail à Away pour lui dire: «si jamais vous faites de quoi, un hommage, que vous remontez de quoi pour faire un événement spécial avec Voïvod, ce serait un honneur de jouer une toune avec vous autres». Je n’avais même pas dans l’idée que ça puisse donner autre chose. Ç’a fait boule de neige. À la fin de 2007 ou début 2008, Away continuait de recevoir des offres, ça n’arrêtait pas de rentrer, et là il y a eu cette offre de faire la 1re édition du Heavy MTL, où il y avait Iron Maiden et Mötley Crüe. Away a décidé d’appeler Blacky et de m’appeler pour reformer le groupe pour ce show-là. Ça ne devait être que pour un concert. Et à partir de là, le 2e show était Calgary, en 1re partie de Ozzy, puis après ça, on est allés à Tokyo [rires]. Ça n’a pas arrêté. C’était un rêve pour moi juste de faire un show ou une toune. Le monde a aimé ça, les gars ont voulu continuer à jouer. Dans le fond, la meilleure façon de rendre hommage à Piggy, c’est de continuer à jouer sa musique.

Je n’étais pas un proche de Piggy, mais j’étais un proche de sa musique. Depuis l’âge de 11 ans, mon band préféré c’est Voïvod. Tout ce que j’ai fait avec Martyr, c’est tout tiré de Voïvod directement

Puis là, vous avez fait plusieurs festivals, plusieurs shows…

Ah oui, on en a fait pendant quatre ans avant de commencer à composer ensemble. On a fait des tournées aux États-Unis et en Europe. On fait des gros festivals comme le Wacken [Open Air], le Hellfest, etc. On a joué dans une trentaine de pays. La réponse était écoeurante. On a fait tournée headliner en Europe ensuite. Il y avait du monde. J’ai toujours reçu des beaux messages et des beaux témoignages du monde qui connaissait Piggy, qui étaient fans de Voïvod et qui étaient contents de voir les gars sur scène. Ça nous a beaucoup encouragés pour continuer. Et à un moment donné, l’incontournable est arrivé d’essayer de composer des tounes ensemble…

Et c’est arrivé comment, justement? Comment avez-vous pris la décision de pousser la collaboration jusqu’à la création de nouveau matériel, jusqu’à la production d’un nouvel album de Voïvod?

Je pense que le déclic s’est fait quand on était en tournée avec Kreator aux États-Unis. Blacky et moi, on avait déjà composé des affaires ensemble pour un autre projet. Subtilement, j’ai fait jouer ça dans le «tour bus» en arrière. Away m’a regardé et m’a demandé: «c’est quoi ça?» [rires]. On s’en est parlé. On jouait tout le temps le même répertoire, avec plaisir, mais quand même. On s’est dit on l’essaie et si ça ne marche pas, ça ne marche pas, c’est tout. On l’aura essayé. Aucune loi ne nous empêche d’essayer. Puis, on s’est rendu compte que ça marchait bien. Au début, ç’a été difficile à starter, mais on a fait beaucoup d’improvisation ensemble. On se connaissait déjà beaucoup à cause de la tournée, musicalement et personnellement.

Mais vous avez créé comment? En jammant comme ça?

On a fait ça beaucoup. On a fait aussi chacun de notre bord des idées musicales et on s’envoyait des fichiers. Les riffs, c’est sûr qu’on en a composé par mal 50-50, Blacky et moi, au niveau des idées de riffs et idées de base de tounes, mais il y en a qui sortent carrément de jams. Ce qui est le fun avec Voïvod, c’est que tout le monde travaille sur la toune. C’est vraiment une sculpture collective, un trip collectif. Et ça, je n’avais pas vraiment connu ça avant. J’ai vraiment trippé là-dessus. Chacun amène sa touche et sa couleur. Pendant ce processus-là, j’ai compris que ce n’était pas juste Piggy, Voïvod. C’est sûr qu’il avait une identité très forte. Mais tous les membres du band ont une identité musicale très forte et c’est ce qui fait qu’il est multifacettes et profond musicalement.

Ce qui est le fun avec Voïvod, c’est que tout le monde travaille sur la toune. C’est vraiment une sculpture collective, un trip collectif

As-tu dû te mettre dans un état d’esprit particulier? As-tu composé en Daniel Mongrain ou tu as voulu recréer les sonorités de Piggy?

Je n’ai jamais essayé d’imiter Piggy, parce que quand t’essayes d’imiter quelqu’un, c’est tout le temps de la copie. J’y ai été avec mes tripes, comme d’habitude. C’est venu naturellement. C’est le band que j’ai le plus écouté sur la planète. Ma job comme musicien pigiste quand je joue avec des artistes différents, c’est de m’imprégner d’un style. J’ai tout le temps eu une certaine facilité pour ça. Autant quand j’ai fait Gorguts, il a fallu je m’imprègne de leur musique qui est assez particulière. J’avais composé un bon tiers de l’album. Quand j’accompagne des artistes québécois dans le pop ou d’autres choses, c’est encore ça. Mais Voïvod, je suis imprégné du style depuis l’âge de 11 ans. C’est venu assez naturellement. Je ne me suis pas battu. En local, en jouant les riffs, il y a eu des fois de petits ajustements. Ah! le drum va faire ça, ok, je vais le changer un peu. C’était tout le temps modelé en groupe.

Est-ce qu’il y avait une orientation de départ? Je connais moi-même Voïvod depuis longtemps, et je trouve que les sonorités et musicalement, ça se rapproche beaucoup des quatre premiers albums…

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Gracieuseté: Alain Labonté/Québec-Métal

En fait, on a le trois quarts de la formation de cette époque. Blacky a un son, une attitude à la basse électrique et à la composition. Tu reconnais sa signature. Ça faisait 17 ans qu’il n’était plus dans Voïvod. Il a vraiment sa personnalité sur ce disque-là. Le son de la basse et la façon dont il compose ses lignes. C’est toujours complémentaire à la guitare, ce n’est jamais copié-collé ou juste jouer la base du riff. C’est toujours en contrepoint, en complémentarité, un peu comme le bassiste dans Yes ou dans la musique plus contemporaine. Blacky a écouté beaucoup de contemporain, de classique et de la musique de film. Ça fait partie de son jeu. C’est un des éléments forts qui fait en sorte qu’on est retourné plus dans ce style-là. Je pense aussi que tout le monde filait pour faire de quoi d’un peu plus progressif, d’un peu plus intrigant au niveau musique que les deux derniers, qui étaient plus rock… et à cette époque, c’est ce qu’ils voulaient faire et c’est bien correct. C’est sûr que le line-up change naturellement la direction, ça s’est dirigé vers là tout simplement.

Blacky a un son, une attitude à la basse électrique et à la composition. Tu reconnais sa signature. Ça faisait 17 ans qu’il n’était plus dans Voïvod. Il a vraiment sa personnalité sur ce disque-là

C’est un album très inspiré, on le sent à l’écoute… vous, sentiez-vous que vous touchiez à quelque chose plus ça avançait?

Oui, plus ça avançait et plus ça prenait forme, on se disait: «me semble que c’est bon, me semble qu’on trippe à faire ça». Tant mieux si ça se sent, parce que c’est vraiment ça qui s’est passé. On est bien fiers, bien contents de ça. Ç’aurait pu être une catastrophe, tsé. Ç’aurait pu… mais les fans l’ont très bien reçu, les critiques aussi. C’est vraiment un beau trip.

Vous avez enregistré ça au studio [Wild Studio, à Saint-Zénon] de Pierre Rémillard [Cryptopsy, Obliveon, Misery Index]?

Toutes les tracks ont été enregistrées là ou à peu près toutes. Il y en a eu un petit peu dans un studio de nos amis de Grimskunk à Montréal. Travailler avec Pierre, c’est toujours le fun, on le connaît bien. C’est un pro, on aime bien ça travailler avec lui, ça fait longtemps qu’on le connaît.

L’album est sorti sur Century Media, ce qui demeure un major dans le métal extrême… Je ne sais pas dans le contexte d’aujourd’hui, avec la musique numérique, etc. Est-ce que ça donne encore un gros plus de faire affaire avec un label comme ça?

Ah oui. Le réseau est large, la machine est bien graissée. Autant en Europe qu’en Amérique, c’est facile. La promotion, le support et c’est bon pour eux autres aussi d’avoir Voïvod. C’est quand même un groupe qui a marqué la musique métal progressive. On est bien content du travail qu’ils font pour nous. Il y avait quelques labels d’intéressés, et ç’a fini par être eux autres.

J’imagine que tu vis quelque chose d’assez exceptionnel avec Voïvod? Je regardais le DVD au Japon… tu n’aurais sans doute jamais pu vivre ça avec Martyr.

On espère tout le temps avec un band. On pousse, on pousse, on pousse. On y serait peut-être arrivé à un moment donné. Mais bon, finalement, la vie a fait en sorte que ce n’est pas ça qui se passe.

Avec Voïvod, il y a des portes qui s’ouvrent comme pour le Wacken Open Air par exemple…

Oui, c’était déjà ouvert à Voïvod et quand il y a eu le comeback entre guillemets, ces portes-là se sont toutes rouvertes assez facilement. Mais ç’aurait pu ne pas fonctionner, mais je pense qu’on donne un bon show. La preuve, c’est quand on retourne dans certains pays… la première année, c’était bien, mais on a vu une progression, les gens viennent de plus en plus nombreux, les salles sont plus grosses et il y a vraiment un engouement par rapport au retour du band. Ils savent que le show est bon. C’est aussi vraiment le fun de voyager partout sur la planète comme ça. Je ne pensais jamais vivre ça. J’y ai toujours rêvé, j’ai fait de la tournée aux États-Unis et au Canada. La première fois que j’ai pris l’avion pour aller… bin, au Japon, avant d’aller en Europe, je suis allé au Japon. Visiter des villes, rencontrer du monde, ça n’a pas de prix. C’est vraiment trippant.

Tous les membres de Voïvod ont un surnom. Toi, c’est Chewy?

J’étais un Star Wars geek quand j’étais jeune. Quand j’avais les cheveux jusqu’aux genoux, je ressemblais à Chewbacca et je criais fort, ç’a fini par coller. Ils ont essayé plein d’autres affaires, mais celui-là est resté.

Avec Voïvod, ça te limite pas mal dans tes autres implications, ou bien si tu réussis quand même à faire d’autres projets?

J’ai toujours eu un paquet de projets et ça ne m’a jamais limité. J’ai déjà eu 12 groupes en même temps et j’étais capable de fournir. Là, je choisis mes projets. Je suis un peu moins partout. Je continue de faire de la pige, parce que j’aime ça et ça me tient en shape pour d’autres styles de musique. J’enseigne au cégep à Joliette à temps plein depuis 7 ans. Ça va super bien. Je donne des cours de théorie, de combo, d’instruments…

J’ai déjà eu 12 groupes en même temps et j’étais capable de fournir. Là, je choisis mes projets. Je suis un peu moins partout

Et Martyr, est-ce que c’est toujours présent dans ta vie?

Je te dirais que je suis passé à autre chose. Je ne me reverrais pas retourner au micro et recommencer à gueuler comme je faisais. C’est autre chose aujourd’hui. Et c’est bien correct.

Est-ce que tu travailles sur d’autres projets musicaux?

Oui, j’ai un hommage au progressif que je suis en train de remonter avec mes chums. Ça s’appelle Jurassic Rock. Ça va être du Genesis, du Kansas, du King Crimson, toutes sortes d’affaires de même. Tous des top musiciens, des chanteurs exceptionnels… c’est vraiment un trip de musiciens. J’ai un band de compo aussi avec Martin Carbonneau, qui était dans Martyr [guitariste]. On travaille là-dessus un peu à temps perdu. Sinon, je continue à jouer avec Dan Bigras une fois de temps en temps, Breen Leboeuf. À la pige aussi, des fois je fais des projets en studio. Il y a un gars qui m’a appelé pour un album progressif qui va bientôt sortir, qui va s’appeler Drumesis. C’est un batteur [rires]. J’ai tout le temps une couple de solos à faire sur des albums. Les gens m’appellent. Je continue de rouler ma bosse. Je n’accepte pas n’importe quoi ni dans n’importe quel contexte. Comme musicien pigiste, t’acceptes tout à moment donné, parce que tu veux gagner ta vie avec ça. Jusqu’à ce que j’enseigne au cégep, je faisais tout, tout le temps, et je gardais assez d’énergie pour mes propres projets. Disons que Martyr, ça m’a épuisé de pas mal tout faire tout seul et de ne pas avoir d’implication des autres membres ou du moins, d’une minorité, alors j’ai fini par tirer la plogue.

La question pas rapport, même si elle a un peu rapport en même temps. As-tu entendu le nouvel album de Gorguts?

Un petit peu. J’ai entendu des extraits. J’ai félicité Luc [Lemay], je lui envoyé un message pour lui dire «Bravo, je suis bien content pour toi, c’est ça que ça fait la persévérance. Je n’avais pas de doute. Luc est un passionné et il est avec d’autres passionnés, des gars bien créatifs, dont John qui est ici ce soir avec Origin, Colin… Quand Luc décide de faire de quoi, il ne le fait jamais à la moitié. Ça lui aurait pris 12 ou 13 ans, ce n’est pas important. Il le fait vraiment par passion. Félicitations à Luc.

Voïvod [2013]

Denis «Snake» Bélanger – voix

Michel «Away» Langevin – batterie

Jean-Yves «Blacky» Thériault – basse

Daniel «Chewy» Mongrain – guitare

Voïvod sur le web

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Metal Archives

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Queensryche108tng_cmykChose promise chose due, sans attendre, voici notre deuxième entrevue avec Queensrÿche, laquelle ne fut jamais publiée. C’est juste pour vous faire patienter alors que je mets la touche finale à mon entrevue avec Daniel Mongrain. Je n’en dirai pas plus, sauf que le concept de cet album était génial. Malheureusement, musicalement, c’était assez bof. Alors voilà, bonne lecture!

Par Martin Guindon

Notre dernier entretien avec Queensryche remonte à il y a trois ans ou presque. Réalisée avec le batteur Scott Rockenfield, celle-ci n’a malheureusement jamais été publiée. On se reprend donc avec le chanteur Geoff Tate cette fois-ci. Le groupe a depuis sorti un nouvel album, AMERICAN SOLDIER. J’ai Geoff au bout de la ligne, le jour de leur concert à Montréal, en juillet. Je déteste faire des entrevues au cellulaire, parce qu’on a toujours du mal à bien se comprendre. Geoff marche dans les rues de Montréal, ce qui ajoute à notre difficulté à bien communiquer. Geoff peut paraître moins jasant que Scott ici, et il l’est sans doute. Scott et moi étions vraiment dans une zone, tout allait bien. Avec Geoff, c’était plus difficile, et c’est beaucoup à cause du foutu cellulaire, qui rend la communication tellement plus compliquée. En tout cas, je vous laisse lire la suite, donc, traduite par votre humble serviteur.

Geoff, vous avez sorti un DVD double live [MINDCRIME AT THE MOORE, 2007], qui reprenait votre spectacle à Seattle de la tournée pendant laquelle vous faisiez l’intégrale des deux albums MINDCRIME. Ça devait être toute une tournée!

Une excellente tournée, oui. On a fait beaucoup d’endroits dans le monde, devant différentes foules. Ce fut une superbe tournée. D’avoir la possibilité de faire ainsi les deux albums en spectacle, c’est un peu la façon dont il fallait que ça se fasse. Dans un monde idéal, MINDCRIME aurait été un album double. Donc, ce fut vraiment super de pouvoir enfin finir MINDCRIME II et de pouvoir jouer les deux albums l’un à la suite de l’autre, comme je l’avais imaginé dès le départ.

La même année, vous avez sorti un album de reprises, intitulé TAKE COVER [Rhino Entertainment, 2007]. On y retrouve du matériel assez diversifié. Pourquoi avoir fait un tel album et comment avez-vous choisi les pièces à reprendre?

Cet album était en quelque sorte de petites vacances pour nous, alors que l’on travaillait à l’écriture de AMERICAN SOLDIER. On avait besoin de prendre une pause et de faire autre chose pour un moment, pour prendre un certain recul face à notre matériel. L’idée était donc de travailler sur un album de reprises. On trouvait l’idée bonne; que ça ferait une belle distraction. Maintenant, la partie la plus difficile a été de choisir les chansons. On a tous des collections de disques assez vastes et variées. On a donc eu du mal à se limiter au nombre de chansons qu’on peut actuellement inclure sur un album. On a finalement chacun choisi quelques-unes de nos chansons préférées, au lieu de passer trop de temps à y penser. Ce fut vraiment un projet amusant à faire. Je crois que ça nous a pris deux semaines.

J’ai remarqué que depuis mon entrevue avec Scott, vous n’avez changé qu’un membre et c’est Mike Stone [guitare] qui a quitté le groupe. D’ailleurs, on a l’impression que vous avez connu beaucoup de changements de personnel depuis le début, sans doute en raison de toutes ces histoires avec Chris DeGarmo, mais dans le fond, vous êtes encore quatre des cinq membres originaux…

Oui, nous sommes toujours quatre des cinq gars qui étaient là en 1981 quand on a créé le groupe. C’est assez stable, en plus de 28 ans. L’affaire avec DeGarmo, c’est que quand il a quitté le groupe, on avait décidé de continuer à quatre et de garder la cinquième place dans le groupe pour des guitaristes invités. L’un des problèmes quand tu es dans un groupe comme ça pendant 28 ans, c’est que tu passes beaucoup de temps avec les mêmes personnes. C’est bon d’emmener une nouvelle personne à l’occasion, avec une perspective différente sur la musique du groupe. Ça peut apporter de nouvelles influences. On a eu le privilège de jouer avec Kelly Gray [1998-2001], qui est un vieil ami. Il y a ensuite eu Mike Stone [2003-2009], et maintenant c’est Parker [Martin : Lundgren, son gendre!]. Ça va très bien avec lui en ce moment.

Parlons du nouvel album, AMERICAN SOLDIER. Je vais être honnête et te confier d’entrée de jeu que je n’ai pas vraiment trippé sur vos derniers albums. Même MINDCRIME II m’a un peu laissé sur mon appétit. Mais celui-ci toutefois m’a réconcilié avec votre musique. Quelles étaient vos intentions sur cet album, musicalement?

Notre but premier était de raconter une histoire. Peindre une image musicale qui aiderait à faire passer les textes. C’est ce qu’on essaie de faire à chaque album, vraiment.

Quelle a été la réponse à ce jour, autant des fans que des critiques, pour l’album?

Tu sais… je ne sais pas vraiment. Je ne me tiens pas au courant de ces choses-là. Pour moi, la musique, c’est de l’art. Et l’art, c’est quelque chose d’absolument et de complètement subjectif. Ça touche les personnes de différentes manières. Certains vont le comprendre, d’autres vont l’adorer et d’autres non. Je ne m’attarde donc pas trop à ça. Je suis juste content quand quelqu’un aime ce qu’on fait, ça ne peut pas être une mauvaise chose. Mais qu’ils aiment plus ou qu’ils aiment moins le nouvel album, ça ne me dérange pas trop.

Il s’agit donc d’un album concept. Tu as réalisé des entrevues avec des vétérans de la guerre, ce qui a servi à inspirer les textes pour les chansons? Tu exprimes finalement leurs opinions, leurs émotions?

Oui, je raconte tout simplement leur histoire telle qu’ils nous l’ont racontée.

Comment as-tu eu cette idée? Est-ce que ça a un lien avec le fait que ton père était lui-même un militaire?

Tout à fait. J’ai grandi dans une famille militaire.

Il n’y a pas vraiment de biais politique ici…

Non, ce n’est pas un album politique. C’est vraiment un album à propos de l’expérience de certaines personnes. Comment elles ont vécu des situations incroyablement intenses. Comment elles vivent avec ça, comment elles y réagissent. Qu’est-ce que ça leur fait, quel impact ça l’a sur eux. La guerre, c’est quelque chose que tu portes ensuite en toi. Je parlais encore récemment avec mon père, par exemple. En grandissant, mon père ne m’a jamais parlé de ce qu’il a vécu à la guerre. Mais maintenant, alors qu’il approche les 80 ans, il est plus intéressé d’en parler et c’est frustrant un peu, pour moi, qu’il ait attendu aussi longtemps pour le faire. On explore ses sentiments sur la chose. C’est intrigant, pour moi, qu’il ait attendu comme ça. Mais selon mon expérience, en parlant à d’autres soldats comme je l’ai fait pour cet album, ils ont tendance à enfouir ces sentiments profondément en eux pendant des années, jusqu’à qu’ils soient prêts à en parler un jour. Ces sentiments refont alors surface…

En grandissant, mon père ne m’a jamais parlé de ce qu’il a vécu à la guerre. Mais maintenant, alors qu’il approche les 80 ans, il est plus intéressé d’en parler et c’est frustrant un peu, pour moi, qu’il ait attendu aussi longtemps pour le faire

As-tu obtenu des réactions de soldats, de vétérans… qui ont écouté l’album?

Oui, on reçoit des messages de partout dans le monde. On en reçoit de soldats qui sont actuellement basés en Afghanistan ou en Irak. On en reçoit aussi de vétérans, de soldats à la retraite. Ils nous envoient des commentaires. Il y un élément que je trouve très intéressant. Il semble que l’album serve de bougie d’allumage pour des discussions, surtout dans des familles militaires, où justement on n’avait pas l’habitude de discuter de ces expériences. Des soldats donnent carrément l’album à leur père, leur mère ou leurs enfants et leur disent : «Voici ce qu’est la guerre pour moi». Et ça permet d’amorcer des discussions sur le sujet, quelque chose qui n’était jamais arrivé auparavant dans ces familles. On reçoit des lettres avec de telles histoires. On nous remercie d’avoir fait cet album et d’avoir raconté ainsi leur histoire. Ce genre de commentaire nous ramène les deux pieds sur terre.

Comment aviez-vous choisi ces soldats, ces vétérans, pour les entrevues?

C’était surtout du bouche-à-oreille. On rencontrait des gens, qui nous mettaient ensuite en lien avec d’autres personnes qui pourraient aussi être intéressées à livrer leur témoignage. Dans la préparation de l’album, c’est la partie des entrevues qui a été la plus longue. C’est un projet qui s’est étendu sur trois ans, et il a fallu environ deux ans pour faire toutes les entrevues et colliger les réponses. Tu sais c’est quoi, faire des entrevues. Des gens sont plus difficiles à faire parler et il faut travailler fort pour obtenir des réponses, alors que d’autres déballent tout leur sac à la première question. Ce fut finalement une tâche assez difficile.

On entend même certains extraits des entrevues sur l’album. Certains sont vraiment touchants. Comme le premier gars qui parle dans la chanson «If I Were King», son témoignage fait tout simplement frissonner…

Et ce fut souvent comme ça. L’album s’est avéré tout un défi à réaliser à plusieurs niveaux. Tout le contenu était très émotionnel et devoir traiter avec ce type de sujet, ça finit par nous atteindre à un certain moment. C’est pourquoi on a senti le besoin de prendre une pause de quelques semaines, à un moment, pour faire cet album de covers. Faire l’album de covers, c’était plutôt facile. Rien à écrire, juste interpréter le travail admirable fait par d’autres. Ça nous a permis de décrocher de tout ça.

Sur cet album, j’ai remarqué que le noyau créatif semble tourner autour de Scott [Rockenfield] et toi, mais j’ai aussi vu que Damon Johnson et vos deux producteurs, Jason Slater et Kelly Gray, ont contribué à la composition?

Exactement. Cet album fut un plaisir à réaliser, malgré le défi, en raison de la façon dont on l’a écrit. On s’assoyait en studio, on écoutait les rubans des entrevues, et on ne pouvait s’empêcher d’être inspirés par ce qu’on entendait, vraiment. Les histoires qu’on entendait. C’est un peu comme écrire pour un film, quand tu te laisses inspirer par une scène pour composer un bout de musique. Les idées nous venaient naturellement. Tout le monde a contribué à sa façon, pour développer ces idées.

On s’assoyait en studio, on écoutait les rubans des entrevues, et on ne pouvait s’empêcher d’être inspirés par ce qu’on entendait, vraiment

Jason Slater était aussi impliqué dans l’écriture de MINDCRIME II, n’est-ce pas?

Oui. On aime bien travailler avec Jason. C’est un grand musicien, un excellent compositeur… un très bon collaborateur, finalement. Il est excellent pour travailler et mener une idée encore plus loin.

Est-ce que c’est la première fois que Michael Wilton fait toutes les guitares sur un album? On y retrouve de très belles parties de guitare et quelques solos vraiment ahurissants…

Oui, c’est la première fois qu’il les fait toutes sur un album, sans un autre guitariste qui joue avec lui. Il a fait un travail fantastique sur cet album. Il est bien branché sur le sujet de l’album. Il essayait de raconter l’histoire, mais musicalement. Il arrive parfois qu’on se laisse emporter par son propre ego et qu’on essaie d’en mettre trop, en bout de ligne, au point d’oublier l’âme de la chanson. Or, sur cet album, Michael a vraiment réussi à se laisser imprégner par l’histoire, de laisser la chanson parler. Il a écrit plusieurs «layers» de guitares, de tons et d’ambiances à la guitare, ce qui a beaucoup ajouté à l’émotion ou l’atmosphère de la chanson.

«Home Again» possède un texte assez touchant, mais ce qui ajoute vraiment à l’émotion, selon moi, c’est la participation de ta fille, Emily. Quel âge a-t-elle? Est-ce que c’est la première fois qu’elle chante ainsi avec toi, sur un album? A-t-elle l’intention de suivre les traces de son père?

Elle a 11 ans. C’est la première fois qu’elle chante avec moi en effet. Mais je ne crois pas qu’elle suive mes traces. Je ne crois pas qu’elle aime vraiment tout ça. Remarque, c’est encore une enfant. Elle préfère pour le moment jouer avec ses amies, aller à l’école, etc. Je ne crois pas qu’elle pense à faire le tour du monde avec un groupe à ce stade-ci de sa vie. Peut-être quand elle sera plus grande.

Comment t’es venue l’idée de l’impliquer dans cette chanson?

C’est curieux comment c’est arrivé, en fait. Je venais de terminer d’écrire la chanson et je l’écoutais dans le studio. Emily est arrivée de l’école et comme d’habitude, elle est venue voir au studio ce que j’y faisais. Je lui ai dit que je venais de terminer une chanson et je lui ai demandé si elle voulait l’entendre. Elle m’a dit oui. Alors, elle l’a écoutée, tout en lisant le texte, et une fois la chanson terminée, j’ai remarqué qu’elle avait les larmes aux yeux. Je lui ai demandé pourquoi elle pleurait et elle m’a répondu qu’elle trouvait que c’était une très belle chanson. Elle a ajouté qu’elle était contente que j’aie écrit une chanson à propos d’elle. Oh! Elle croit que la chanson parle d’elle! Oh wow! Je trouvais ça vraiment intéressant, alors je l’ai invitée à chanter avec moi sur cette chanson et elle a accepté. On a donc sorti un micro, elle a chanté cette partie… Je crois qu’on a fait seulement deux ou trois prises. Sa partie avec ce sentiment, cette fragilité… je ne voulais surtout pas perdre ça en faisant plusieurs prises. Je l’ai fait entendre à mon épouse [Martin : Suzanne, aussi gérante du groupe], qui l’a adorée. Le groupe l’a aimée, la compagnie de disques aussi. Ce fut donc une décision unanime.

Ça va vous faire un précieux souvenir, immortalisé comme ça sur CD…

Oui. Et en plus, elle fait la tournée avec nous et vient chanter sa partie pendant cette chanson chaque soir. Et la foule semble vraiment apprécier.

Et c’est ton père qu’on entend, dans l’intro de la chanson «The Voice»?

Oui. C’était spécial ça aussi.

Parle-nous maintenant de votre tournée actuelle. Vous jouez trois suites différentes, soit une avec des chansons de RAGE FOR ORDER [EMI, 1986], une autre avec des chansons de AMERICAN SOLDIER et une troisième avec des chansons d’EMPIRE? Wow, la partie de RAGE me jetterait carrément sur le cul. Ces chansons ne doivent pas être faciles à jouer live, certaines contiennent tellement d’éléments…

On a un claviériste en spectacle, Jason Ames, qui s’occupe de tout ça. Il est aussi troisième guitariste, en plus de chanter en back-up. Ça aide beaucoup à recréer certains éléments de cet album.

Est-ce que vous jouez des albums complets ou juste quelques chansons de chaque album?

On joue les albums complets sur deux soirs. On a deux set lists différents qu’on alterne. Toutes les chansons des trois albums sont comprises dans les deux set lists.

C’est une tournée mondiale?

Tant qu’on fait référence au monde dans lequel on tourne normalement, à savoir une trentaine de pays, oui.

Qu’est-ce qui se passe dans ta carrière solo?

Je planche actuellement sur trois albums différents. J’ai deux trames sonores de film, dont un dans lequel je tiens aussi un rôle. J’ai aussi un projet d’album solo. Disons que je me tiens occupé, mais c’est aussi la vie d’un musicien, d’écrire continuellement des chansons et de monter des groupes pour interpréter ces chansons.

C’est comment d’être à Montréal aujourd’hui? Tu y as habité, n’est-ce pas? D’ailleurs, l’album MINDCRIME n’a-t-il pas été écrit là-bas?

Exactement oui. Je viens juste de passer devant le bar où j’ai écrit cet album. C’est superbe aujourd’hui. Je marche d’ailleurs dans les rues de Montréal en ce moment avec mon épouse et deux de nos enfants. [Un bruit assourdissant se fait entendre] Ça, c’était un autobus au diesel [rires]. Ils produisent plus de décibels qu’on groupe rock, je crois.

Pour conclure, parle-nous brièvement de Insania.

Insania est ma marque de vin. On a sorti notre premier cru en février dernier et il s’est tout vendu en à peine deux mois. Notre deuxième cru va sortir en février pr7644ochain. On prépare aussi un vin blanc Insania cette année. C’est un Sauvignon de style Bordeaux. Notre rouge est en fait un Bordeaux qui est un mélange de quatre variétés de raisins [Cabernet Sauvignon, Petit Verdot, Merlot, Malbec].

Insania est ma marque de vin. On a sorti notre premier cru en février dernier et il s’est tout vendu en à peine deux mois

C’est tout Geoff. Un mot de la fin?

Merci pour l’entrevue, Martin. C’est bien apprécié. Espérons que l’on pourra se rencontrer un jour. Take care.

QUEENSRYCHE [2009]

Geoff Tate, voix

Michael Wilton, guitare

Eddie Jackson, basse

Scott Rockenfield, batterie

 

Internet

Metal-Archives Queensrÿche

Facebook Queensrÿche

Site officiel Queensrÿche

Metal-Archives Geoff Tate

Site officiel Geoff Tate

QueensrycheJ’ai souvent dit que j’avais d’abord fait ARSENIC pour me faire plaisir. Au début, je voulais surtout donner une visibilité aux groupes de l’Abitibi et du Québec. Puis, quand le fanzine a commencé à prendre de l’ampleur et que des bands d’envergure internationale ont commencé à débarquer à Rouyn-Noranda, j’ai commencé à multiplier les entrevues avec les grosses pointures. Les labels se sont mis à m’offrir toutes sortes d’opportunités et parfois, selon mes goûts, je sautais sur l’occasion. Ce fut le cas avec Queensrÿche, un de mes groupes préférés de tous les temps. J’ai fait deux entrevues avec le groupe. Les deux n’ont jamais été publiées, faute d’espace. Je vous les présente coup sur coup cette semaine. D’abord, la première que voici.

Par Martin Guindon

Cette entrevue remonte à 2006, à l’époque d’OPERATION : MINDCRIME II. Je devais la faire avec Geoff Tate, mais le pauvre avait des problèmes de voix et était plus préoccupé par son médecin que par votre humble serviteur. Comment lui en vouloir? Heureusement, on m’a refilé mon membre préféré du groupe, le batteur Scott Rockenfield, que j’ai toujours admiré, surtout pour son travail sur leur album culte OPERATION : MINDCRIME [EMI, 1988]. Dans cet entretien, on retrace d’abord le passé de Queensrÿche, puis on aborde MINDCRIME II avec un Scott Rockenfield particulièrement sympathique, généreux et volubile, lors du passage du groupe à Montréal, en novembre 2006.

Comment tout a-t-il débuté pour Queensrÿche, il y a quoi, 25 ans déjà [en 2006!]?

Oui, 25 ans, en plein ça. Je vais essayer de rester dans le domaine du résumé ici. Tout a débuté en 1981. Nous étions des amis au «high school», à Seattle. En sortant du high school, on s’est vite rendu compte qu’on partageait certains buts. On a décidé de se regrouper et de faire de la musique ensemble. C’est devenu une sorte de machine de création pour nous. On avait plusieurs choses en commun et la chimie était là. On a fait notre premier album en 1982, un EP de quatre chansons, tout simplement intitulé QUEENSRYCHE [EMI, 1982]. Nous étions tellement excités face à ce projet qu’on y a investi tout notre argent. On a travaillé dans des emplois de jour pour amasser de l’argent et se payer du temps de studio pour l’enregistrer. C’était tellement à notre goût qu’on a sorti l’album sur notre propre compagnie de disque. L’album s’est retrouvé un peu partout dans le monde, a généré une bonne couverture médiatique et environ un an plus tard, on était signé à un major label.

D’ailleurs, ce n’est pas Kerrang!, en Angleterre, qui avait déclaré que vous étiez «la prochaine grosse révélation» ou quelque chose de cet ordre? Et Kerrang!, dans les années 80, c’était comme une bible du métal en Europe.

Oui, absolument. C’est une des choses qui nous ont vraiment donné un bon coup de pouce, ce commentaire dans Kerrang! Ce magazine avait tellement d’impact en Angleterre et en Europe. Ils avaient fait une très bonne critique de l’album et disaient, genre, «si vous n’avez jamais entendu parler de ce groupe, ça ne saurait tarder». Ça nous a aidés à vendre des albums, mais ça a surtout ouvert les yeux de compagnies de disques et d’autres magazines. Imagine, à ce stade-ci, on n’avait pas encore vraiment joué un spectacle. On ne faisait que jouer de la musique par nous-mêmes, et on avait des compagnies de disques qui venaient nous voir jouer à Seattle dans notre local de pratique. En fait, on a même été signés sur EMI avant même d’avoir fait un concert. Une fois signés, on s’est mis à faire des shows. On est restés avec EMI pour genre 7 albums, de 1984 au milieu des années 90. Par la suite, on a changé de labels à quelques reprises, après que EMI America a fermé ses portes. On est allé sur Atlantic, et nous sommes maintenant sur Rhino [une division de Warner].

«En fait, on a même été signés sur EMI avant même d’avoir fait un concert. Une fois signés, on s’est mis à faire des shows»

Je vous ai connus avec THE WARNING [EMI, 1984]. C’était avec le clip de la chanson titre, tourné lors d’un concert au Japon, si ma mémoire est bonne…

Oui, c’est bien ça. Évidemment, c’était bien notre genre d’aller au Japon lors de notre toute première tournée. Nous étions tellement jeunes, je devais avoir 18 ans. On va là-bas, et on se dit : «filmons ce concert», qui était pratiquement un de nos premiers à vie, et sortons-le! Wow, l’art de se mettre de la pression. Mais on l’a fait, c’est devenu cette cassette LIVE IN TOKYO qui a toujours circulé par la suite.

Comme la plupart des fans, sans doute, j’aimais bien la chanson titre et «Take Hold Of The Flame» sur cet album, mais j’étais surtout un fan de «NM 156» qui était, au fond, un aperçu de ce qui s’en venait avec RAGE FOR ORDER [EMI, 1986].

Ouais, tout à fait. Martin, tu as bien fait ta recherche, j’adore ça! [rires]

Nah, je n’ai aucun mérite, Scott. Je suis tout simplement un fan depuis les débuts…

Ça va, mais c’est super de pouvoir parler avec quelqu’un qui peut ainsi m’alimenter en sujets sur lesquels je peux m’étendre. Et tu as raison. «NM 156», quand nous écrivions l’album, nous étions en Angleterre et on travaillait avec James Guthrie, qui a fait THE WALL avec Pink Floyd. Nous étions jeunes et affamés. Nous avons vraiment fait cette chanson une fois en studio et on voulait essayer différentes choses avec des machines et de l’échantillonnage, des patterns à l’ordinateur. Eh oui, ça nous a en quelque sorte préparés pour ce qui s’en venait avec RAGE FOR ORDER, où nous avons vraiment fait un saut dans l’univers technologique, utilisant d’autres instruments que la guitare, la basse et la batterie. Je pense que même encore de nos jours, on essaie toujours d’innover, de se pousser dans différentes directions à chaque album. Tu as bien raison, je crois que «NM 156» fut un tournant dans notre carrière, quand est venu le temps de vraiment définir notre son.

RAGE FOR ORDER était vraiment un excellent album. Il sonnait vraiment bien. Neil Kernon [Cannibal Corpse, Ozzy Osbourne] avait vraiment fait un boulot admirable.

Merci. C’est un album qui occupe une place particulière dans le cœur de chacun d’entre nous, en effet. C’était un album important pour nous. On y avait beaucoup expérimenté et ça nous a menés à des endroits très intéressants, musicalement.

C’est en effet là que vous avez pris votre virage plus progressif. Le EP et le premier album étaient définitivement dans un heavy plus traditionnel.

Tout à fait. On était encore jeunes. On essayait de se trouver un son, une route à suivre ensemble, en tant que groupe. Sur le EP et THE WARNING, ce sont surtout nos influences qui ressortent. On était de fans de groupes comme Judas Priest et Iron Maiden à l’époque. Sur RAGE FOR ORDER, on a vraiment commencé à trouver notre voie et à concevoir notre propre son. Cet album est vite devenu le tremplin qui nous a menés à OPERATION:MINDCRIME.

«Sur RAGE FOR ORDER, on a vraiment commencé à trouver notre voie et à concevoir notre propre son»

Oui, on y arrive [rires]. Je voulais juste aborder le fait que vous aviez interprété la chanson «Gonna Get Close to You», de la Canadienne Lisa Dalbello, sur cet album. Comment est-ce arrivé?

C’est juste arrivé. À cette époque, alors qu’on faisait RAGE, on se faisait écouter de la musique, les uns et les autres. Je crois que c’est Geoff qui est arrivé un jour avec l’album de Lisa Dalbello. On avait tous bien aimé l’album et on s’est dit que ce serait cool d’en reprendre une chanson. C’est quelque chose qu’on n’avait jamais vraiment fait, d’interpréter la chanson de quelqu’un d’autre. Même à ce jour, on en a très rarement fait. Mais cette chanson semblait très bien s’intégrer à cet album. La voix de Geoff s’y prêtait bien aussi.

L’heure est arrivée de parler enfin de l’album classique de Queensrÿche, OPERATION : MINDCRIME. Qu’est-ce qui vous avait poussés à l’époque à faire un album concept?

Même avant de faire notre premier album, on savait tous que ça allait arriver un jour. Nous sommes tous des fans des mêmes genres de musiques que ce soit du rock, du métal, mais aussi du progressif, comme Pink Floyd, Rush et Genesis. Et ces groupes-là avaient souvent l’habitude de faire des albums à thèmes, des albums concepts. Surtout Pink Floyd. C’était quelque chose qu’on voulait faire un jour. RAGE FOR ORDER était complété, nous avions tourné et nous avions essayé de trouver notre voie… on se sentait beaucoup plus confortables en tant que groupe. MINDCRIME nous a paru être la prochaine étape, à ce stade de notre carrière. On était en colère et agressifs, jeunes et désireux de faire un album. Tout y était!

Et MINDCRIME marque une sorte de retour à une musique rock plus épurée…

Tout à fait. C’est plus cru que sur RAGE FOR ORDER, en termes d’approche… Ce qu’on essaie de faire quand on fait un album, c’est de bien cerner où nous en sommes dans nos vies et comment on veut traduire tout ça musicalement. Pour MINDCRIME, on voulait faire un album puissant, progressif et qui provoque une certaine réflexion, en s’inspirant de l’actualité du moment… du moins, j’imagine.

J’ai lu que Geoff a écrit cet album à Montréal [merci Simon!]?

Oui, en effet. À l’époque, il avait un pied-à-terre ici à Montréal et faisait la navette. En fait, il n’avait pas vraiment un lieu de résidence pendant quelques années. Il se promenait entre Seattle et ici, il connaissait des gens dans les deux villes. Pour écrire l’album, il avait absorbé un peu ce qui se trouvait dans son atmosphère, comme on le fait tous dans le fond. Geoff était le principal parolier et il s’est mis à créer cette histoire vraiment intéressante basée sur les choses qu’il vivait à l’époque, que ce soit des événements politiques ou ce qui se passait dans le monde. C’était à l’époque de Reagan [Ronald, président républicain des États-Unis de 1981 à 1989]. Il a voulu créer cet univers dans lequel on pourrait aussi créer de la musique.

Croyiez-vous à l’époque que cet album allait avoir cet impact dans la scène métal? Car encore à ce jour, OM est considéré comme un album important.

On est vraiment heureux que les gens aient aimé autant l’album. C’est comme ça qu’on le prend. Ce fut définitivement une pierre d’assise de notre carrière et ça a duré vraiment longtemps. Ce qu’on essaie de faire, Martin, quand on fait un album, c’est d’abord de nous plaire à nous même. On fait de la musique que l’on aime faire. Je compare la création musicale à la peinture. On peint quelque chose au moment de la création et on ne pense pas vraiment au monde extérieur. On commence par se faire plaisir. MINDCRIME en est une preuve. Et ça a vraiment touché une corde sensible chez les gens, chez nos fans. Et ça dure! Ça fait juste prouver, je crois, que si tu es un musicien et que tu fais quelque chose dans lequel tu crois vraiment, ça peut rapporter ne serait-ce que par son honnêteté.

«MINDCRIME a vraiment touché une corde sensible chez les gens, chez nos fans. Et ça dure!»

MINDCRIME est certes mon album préféré de Queensrÿche, mais c’est aussi mon préféré pour le jeu de batterie. Sentais-tu que tu atteignais de nouveaux sommets à ce moment?

Tu sais, on faisait ce qu’on avait à faire dans le temps, c’est tout. Je jette une oreille à cet album régulièrement et je me souviens de chaque moment que j’ai passé à l’enregistrer et ce qu’il m’a permis d’apprendre. C’est un très bon album pour moi. J’y suis vraiment très attaché. À ce stade de ma carrière, je pense que j’avais beaucoup appris et que ça paraît dans ce que je fais. Plusieurs de mes fans, je veux dire qui admirent le batteur en moi, m’ont dit que j’ai été une inspiration pour eux à partir de cet album. L’album a été une grosse inspiration pour plusieurs batteurs dans le monde entier et ça me fait vraiment un petit velours. J’étais à un point où je voulais tout simplement être le plus unique possible et ajouter ce que je pouvais à la musique. Je crois avoir fait ça pour chaque album, ils sont juste tous différents [rires].

Je vous ai vus en tournée à Chicoutimi à l’époque. Vous faisiez la première partie de Metallica. Ça doit vous avoir donné une très bonne visibilité.

Oh oui, vraiment. On venait de terminer MINDCRIME et peu de temps après, nous étions déjà en train de tourner. Cette tournée avec Metallica s’est avérée une superbe opportunité pour nous. Les gars étaient vraiment sympas. Nous avons tourné quelques mois en Europe avec eux, puis on est revenu pour une tournée des États-Unis et du Canada. C’était vraiment une bonne affaire pour nous. Ça nous a vraiment permis de percer. Je crois que c’était aussi une des premières tournées d’envergure pour Metallica en tête d’affiche. On a beaucoup appris et acquis beaucoup d’expérience avec eux. Puis, on a fait une tournée trois ou quatre mois avec Def Leppard, rien de moins, qui nous a exposés encore plus et ce, à un auditoire totalement différent. C’était vraiment super. Ce furent de vraies catapultes pour nous. La fin des années 80, avec la sortie de MINDCRIME et ces tournées, nous a vraiment propulsés de l’avant. À un point tel que pour notre album suivant, EMPIRE [EMI, 1990], nous avons pu jouer comme tête d’affiche sur des tournées d’arénas. Nous avons pu présenter MINDCRIME dans sa version intégrale, chose qu’on n’aurait pu faire auparavant parce qu’on jouait toujours en première partie.

J’ai aussi vu cette tournée. Parlant d’EMPIRE, cet album comprend le méga hit «Silent Lucidity», qui vous a certes permis de percer commercialement. J’ai entendu cette chanson sur toutes les radios commerciales à l’époque… Vous attendiez-vous à ce que cette ballade obtienne un tel succès?

Encore une fois, on a simplement écrit cette chanson à l’époque parce que c’était quelque chose qu’on avait envie de faire. Mais quand on l’a terminée, toutefois, on s’est assis pour l’écouter attentivement et on a vite réalisé qu’elle avait tout un potentiel. Nous en étions vraiment satisfaits. Et elle a connu tout un succès. Elle a vraiment accroché plein de gens. Elle a fait le Top 40 sur toutes les radios d’Amérique, que ce soit au Canada ou aux États-Unis, et même en Europe. Ça nous a vraiment exposés à un tout nouvel auditoire et ce fut très bon pour nous. Certains des fans qu’on est allé chercher avec cette chanson nous suivent encore à ce jour.

C’est drôle, parce qu’à chaque fois que j’entends cette chanson, je ne peux m’empêcher de penser au concert que je suis allé voir au Colisée de Québec, dans le temps. Il y avait beaucoup de mères avec leurs enfants qui étaient là pour entendre «Silent Lucidity», et je crois qu’elles ont été pas mal renversées par ce qu’elles ont vu et entendu [Martin: surtout le set de Warrior Soul, avec un Kory Clarke déchaîné!]. Certaines de ces mères devaient se demander qu’est-ce qu’elles pouvaient bien foutre là!

C’est drôle, parce que je me rappelle maintenant très clairement de cette époque, maintenant que tu en parles. On voyait dans la première rangée ou partout dans l’aréna tout plein de gens qui n’avaient vraiment aucune idée de ce qu’ils pouvaient bien foutre là. Ils ne connaissaient rien de nous, sauf pour «Silent Lucidity», et ils devaient croire que ce serait un show dans ce ton-là. Et nous, on leur envoyait MINDCRIME en pleine face! Imagine, on ne jouait «Silent Lucidity» qu’à la toute fin du show. Ils devaient vraiment passer à travers tout le concert pour entendre leur toune! Mais je crois que certaines de ces personnes ont bien aimé le show et qu’on les a converties. C’est quand même impressionnant, tout ce qu’une chanson peut faire pour un groupe. Certains groupes n’ont qu’UNE chanson qui a pu faire quelque chose pour eux, mais nous, heureusement, ne sommes pas l’un d’eux. Nous avons survécu quand même pendant 25 ans.

Après EMPIRE, vous avez commencé à me perdre, toutefois. J’ai bien aimé PROMISED LAND [EMI, 1994], mais par la suite, j’ai vraiment perdu tout intérêt dans ce que vous faisiez, jusqu’à OPERATION : MINDCRIME 2. Quel était exactement le but à atteindre pour le groupe durant ces années?

Comme j’ai dit plus tôt, on faisait ce qu’on sentait qui était la bonne chose à faire à l’époque comme groupe. Après EMPIRE, on a continué à se tourner vers le progressif. PROMISED LAND est l’un de mes albums préférés. Nous avons eu du plaisir à le faire et ce fut une expérience assez particulière pour moi, sur le plan personnel. Nous vivions ensemble sur une île, avec un studio que nous avions monté et une maison qu’on avait fait construire. On a fait l’album dans un contexte vraiment plaisant et cet album occupe une place spéciale dans mon cœur. Nous avons expérimenté pas mal sur cet album, qui était aussi un concept, quelque chose que j’ai toujours aimé faire. Sur HEAR AND THE NOW FRONTIER [EMI, 1997], nous étions motivés par différentes choses et cet album reflète la musique qu’on faisait à ce moment. Comme j’expliquais plus tôt, on fait des albums comme on fait des peintures.

Donc, quand tu jettes un œil ou une oreille sur ces albums, tu sens qu’ils sont aussi importants que tous les autres de votre discographie?

Écoute, ils sont tous importants, parce qu’ils nous ont permis d’avancer continuellement vers où nous sommes aujourd’hui. Mais est-ce que je les apprécie tous? Non, tout comme toi, j’ai des préférés et d’autres qui ne sont pas mes préférés. Je dis souvent que si je suis content à 80% avec le matériel que je retrouve sur un de nos disques, alors je vis très bien avec cet album. Nous sommes cinq gars dans le groupe, et on ne sera pas toujours tous d’accord sur ce qu’on devrait faire et quelles chansons devraient se retrouver sur l’album. Il faut faire plusieurs compromis et discuter. Je ne crois pas qu’avec cinq gars, on puisse être continuellement d’accord avec 100 % de ce qui se retrouve sur nos albums. C’est un peu comme un mariage, tu sais [rires]. C’est un peu comme nos enfants, quoique je ne favoriserais jamais un enfant au détriment d’un autre, mais on les apprécie tous pour des raisons différentes. C’est un peu comme ça pour nos albums.

Après Q2K [EMI, 1999], vous avez fait une pause de quatre ans avant de sortir le prochain disque. Certains d’entre vous ont profité de l’occasion pour sortir un album solo, dont toi, à moins que je ne me trompe.

Oui, c’est vrai. En fait, j’en ai sorti quelques-uns au fil des ans. J’ai sorti un premier album en 1996 avec un pote à moi, à Seattle. C’était de la musique instrumentale, Je jouais de la batterie, et lui de la guitare. Nous jouions aussi tous les deux du clavier et nous avons fait une couple d’albums ensemble, dont le premier fut la trame sonore d’un film d’animation [TeleVoid, du réalisateur Mike Boydstun] qui nous a valu une nomination aux Grammy’s. J’ai aussi fait un projet solo appelé The X Chapter, avec de la musique composée et jouée par moi. J’ai aussi un autre groupe dans lequel je joue, Slaves to the System [avec l’ex-Queensrÿche Kelly Gray, guitares], avec lequel on fait du rock. Nous avons des chansons qui ont joué à la radio cette année. Notre nouvel album a fait le Top 30 aux États-Unis. Je crois que j’ai eu genre huit autres projets hors de Queensrÿche au cours des dix dernières années, finalement. Tu sais, j’essaie de diversifier un peu tout ce que je fais et d’avoir du plaisir.

J’ai lu que Chris DeGarmo ne serait jamais remplacé dans le groupe. Pourtant, Mike Stone fait partie de Queensrÿche depuis 2004. Quel est donc son statut au sein du groupe?

Non, Mike Stone est dans le groupe depuis quoi, quatre ou cinq ans finalement. En fait, il a joint au début de 2003. Il s’est simplement avéré un parfait match pour nous et ce que nous faisons musicalement ces jours-ci. Je ne peux vraiment prédire qui va rester dans le band, à la limite, qui sait ce qui peut arriver à quiconque d’entre-nous, mais pour le moment, on va de l’avant et Mike un bon élément. On ne voit pas de raison de changer quoi que ce soit. Chris a quitté en 1997 pour d’autres intérêts, notamment du côté familial, et d’autres choses aucunement liées à la musique. On s’est quitté en bons termes. Ce qui est arrivé pour TRIBE, c’est qu’on était toujours ouvert à la communication avec lui. Il ou l’un de nous est entré en contact avec lui et l’idée est venue en discutant de coécrire des chansons ensemble. Il l’a fait. Et dès le départ, il a manifesté qu’il n’avait aucun intérêt à tourner avec nous ou de revenir au sein du groupe. Il voulait juste contribuer quelques chansons.

Est-ce que OPERATION : MINDCRIME avait été écrit avec l’intention d’en faire un jour une suite? Je veux dire, certaines portes ont été laissées ouvertes à la fin du disque, mais encore…

Oui et non. À l’époque, on avait fait l’album sans même savoir quel impact il allait avoir. Pendant qu’on faisait le disque et que l’histoire se développait sous nos yeux, on voyait bien que c’était en train de devenir un concept vraiment cool, un peu comme si on faisait un film. Ceci dit, il y a toujours des moyens de finir un film pour permettre un jour la production d’une suite. Et je crois que peut-être qu’au départ on n’avait pas eu cette préoccupation, mais qu’à la fin, on s’est assuré de laisser ces portes ouvertes au cas où. Et là, en tournant pendant environ 2 ans et demi avec un spectacle qui reprenait MINDCRIME, on pensait que le moment était venu d’y aller d’une suite. On le revivait tellement, on s’est mis à en reparler. Geoff s’est mis à lancer des idées et on a finalement décidé de foncer. Et c’est sans compter le fait que nos fans nous achalaient avec ça depuis des années [rires].

Du côté de l’histoire, on se retrouve quoi, environ 20 ans plus tard? De toute évidence, Nikki cherche à se venger. La vengeance est vraiment une émotion riche dans laquelle on peut puiser beaucoup… Geoff doit vraiment s’être amusé ici. Parle-nous un peu du concept de cette suite.

L’album reprend en effet l’histoire quelque 18 ou 20 ans plus tard. On y retrouve des moments de flashback, pour expliquer des moments qui remontent au premier album, et ça fait ça souvent. On voyait nous aussi l’histoire se développer sous nos yeux. On devait prendre du recul parfois pour essayer de voir où s’en allait l’histoire pour celui qui allait écouter l’album. Vengeance est définitivement le meilleur mot pour décrire l’histoire. Pour le reste, il faut venir voir le spectacle [rires].

Et comment l’album a-t-il été créé? Où vouliez-vous aller, musicalement?

Une chose qu’on voulait faire, c’était de vraiment… bien, il a notamment fallu réapprendre les chansons du premier pour faire la tournée, parce qu’on ne réécoute pas nos albums continuellement. Et ça nous a donné l’opportunité de nous nourrir du matériel du premier album pour cette suite. Par exemple, pour mon jeu à la batterie, j’ai essayé de me remettre dans l’état d’esprit de l’époque. Il y a donc beaucoup d’agressivité, des éléments progressifs… je voulais faire un album rock, tu sais, et ramener le feeling du premier album, pour ne pas créer un fossé trop large musicalement entre les deux disques. On voulait donner un peu l’impression qu’on avait fait la suite au lendemain du premier MINDCRIME…

Et ça s’entend par moments. Certains éléments nous rappellent le premier album sur le plan musical.

Je suis content de l’entendre. Et plusieurs fans nous ont fait la remarque que l’on n’avait pas seulement produit un nouvel album pour l’appeler MINDCRIME 2. Les gens sentent qu’on a vraiment revisité le passé et qu’on a tenté d’apporter une certaine cohésion entre les deux albums. On voulait avoir quelque chose de «nouveau», mais tout en demeurant cohérents avec le premier MINDCRIME.

Vous ne trouvez pas ça un peu inquiétant de constater que les thèmes sociaux que vous avez tant décriés sur MINDCRIME soient encore actuels, près de 20 ans plus tard?

[rires] Non, mais, sérieusement… on l’impression que rien n’a changé aux États-Unis, Martin. C’est effrayant! En fait, c’est l’une des raisons qui nous ont menés à nous dire qu’on pourrait faire une suite. Pour Geoff, qui puise beaucoup dans son environnement social pour écrire, l’ère Bush est très similaire à l’ère Reagan de l’époque. Ça nous a donné une fondation sur laquelle bâtir cet album.

Wow, ces Républicains sont vraiment trop bons pour vous. Est-ce que vous votez pour eux aux élections? [rires]

Oui, ils sont vraiment très bons pour tout le monde, NOT! Mais sérieusement, je ne suis pas surpris que tu y aies vu des similarités sur le plan politique, parce que ce fut aussi le cas pour nous.

Comment avez-vous intéressé Ronnie James Dio [il incarne Dr. X] à votre projet? Je sais que Geoff a pris part au projet Hear ‘N Aid de Dio [Martin: une sorte de We Are The World métal en 1985], est-ce que ça l’a un lien?

En fait, c’est une combinaison de ça et du fait que la relation entre Ronnie et le groupe remonte à 1983. Nous venions de terminer notre EP et toutes les chansons pour THE WARNING étaient écrites, mais je ne crois pas qu’elles étaient enregistrées, et Ronnie nous a demandé pour jouer en première partie de sa tournée européenne. Ça a duré un bon deux ou trois mois et c’était définitivement une de nos plus importantes tournées à ce stade de notre carrière. On a alors pu faire amplement connaissance et il avait démontré beaucoup de respect à notre endroit. Nous étions aussi de grands fans de Dio. Au fil des ans, nos chemins se sont croisés constamment. Geoff a travaillé avec lui sur ce projet dont tu parlais. Ronnie n’a jamais été plus loin qu’un simple appel téléphonique de nous. Quand on a décidé de faire MINDCRIME 2 et de faire chanter Dr. X sur une chanson, on a simplement imaginé que Ronnie ferait bien la job. Le bout a été écrit en imaginant que c’était lui qui le faisait. On l’a appelé et il a accepté avec empressement.

«Quand on a décidé de faire MINDCRIME 2 et de faire chanter Dr. X sur une chanson, on a simplement imaginé que Ronnie [James Dio] ferait bien la job. Le bout a été écrit en imaginant que c’était lui qui le faisait»

Comment jouez-vous la dimension théâtrale? Est-ce comme quand je vous ai vus à la fin des années 80, avec Geoff qui joue le rôle de Nikki, ou bien vous avez des comédiens sur scène.

On a les deux. C’est la production la plus élaborée que nous n’ayons jamais faite, honnêtement. Il y a des bouts de film sur des écrans, en synchro avec la musique, ainsi que trois ou quatre comédiens sur scène en plus du band et de Geoff. Ils jouent des personnages pendant le concert. C’est un peu comme une comédie musicale sur Broadway, en quelque sorte, mais avec beaucoup plus d’agressivité. On a vraiment beaucoup de plaisir. Le groupe devient un peu la trame sonore de l’histoire qui se déroule sur la scène. On fait ce qu’on fait de mieux, soit jouer de nos instruments, et on laisse l’action se dérouler.

 

QUEENSRYCHE [2006]

Geoff Tate, voix

Michael Wilton, guitare

Mike Stone, guitare

Eddie Jackson, basse

Scott Rockenfield, batterie

 

Sur Internet

Metal-Archives Queensrÿche

Facebook Queensrÿche

Site officiel Queensrÿche

Metal-Archives Geoff Tate

Site officiel Geoff Tate

1_Vortex

Vortex circa 2006

Pour notre cinquième entrevue sur ce blogue, on revisite celle réalisée avec Dany Lévesque de Vortex pour ARSENIC #3, paru à l’hiver 2006. Ce choix n’est pas innocent. Il coïncide avec le passage en fin de semaine du groupe à Val-d’Or [avec Anonymus et D.O.H.] et à Amos [avec The Alienation]. Jaser avec Dany est toujours intéressant. J’en ai aussi profiter pour parler de vive voix avec leur nouveau chanteur, Jean-François Côté [qui est aussi bassiste dans Spirit of Rebellion], avec qui je jase à l’occasion via Facebook, ainsi qu’avec le légendaire Félix Théberge [Solaris Booking]. Il y a eu une autre entrevue quelques années plus tard avec Vortex, on la fera revivre un jour sur ce blogue. Bonne lecture!

Par Martin Guindon

Vortex nous vient directement de Rimouski, longtemps considérée comme la capitale du métal, titre que Rouyn-Noranda tente de lui voler depuis quelques années! Mais bon, laissons les guerres de clochers aux fonctionnaires et politiciens de ce monde. Vortex a immédiatement séduit l’auditoire abitibien lors de son spectacle avec Neuraxis, en avril, par son métalcore mélodique efficace. En fait, ce que les Abitibiens ont aimé, j’en suis sûr, c’est le côté simple et sans prétention du groupe, venu tout simplement donner une performance honnête. On est de même par chez nous, que voulez-vous! Sérieusement, une entrevue avec Vortex s’imposait à la suite de ce show et de leur premier album paru sur Galy Records. Entrevue donc avec le guitariste Dany Lévesque.

Tu es le seul membre fondateur toujours présent, alors tu peux certes nous parler des origines du groupe.

Oui, en effet. Après avoir décidé de quitter le circuit régional des « bars à covers », j’ai pris la décision de reformer un nouveau Vortex avec des membres qui allaient désirer foncer avec leur propre musique. Le premier à s’être joint à moi fut Nicolas Tremblay au vocal, qui avait déjà pris beaucoup d’expérience avec son groupe vétéran rimouskois Mental Disorder. Il connaissait bien la scène métal québécoise à cause de son implication locale et ses nombreux contacts à l’extérieur de notre région. Ensuite, se sont joints les autres membres, à savoir David Canuel au drum [ex-Jerks], Simon Dubé à la basse et tout dernièrement, juste avant notre entrée en studio, le guitariste Pierre-Luc Demers, membre fondateur et leader de Astral Gates. C’est un des gros bands de notre région. On n’a pas du tout planifié le genre de métal qu’on voulait faire. C’est le mélange de nos goûts et influences qui a donné le Vortex actuel.

D’où vient le nom, Vortex. Je sais que ça signifie tourbillon violent, mais encore?

On n’est pas des gros durs pleins de tatouages, alors quelque chose du genre « We’ll kill you » ou « Destroy Vomit », ça n’aurait pas fait [rires]. Aussi, mes textes ont souvent rapport avec mes lectures en physique et en psychologie/comportement de l’être humain. Je voulais donc quelque chose de bilingue, de représentatif pour l’image du band, mais qui ferait quand même métal. Vortex, en plus, ça peut être le tourbillon qui se produit pour avaler ce qu’il y a dans le bol de la toilette quand tu flushes [rires]! Donc, Vortex est le nom parfait pour nous, je crois.

Votre musique s’inspire beaucoup du métalcore européen, à la Heaven Shall Burn, mais aussi du death mélodique comme Arch Enemy. On entend des riffs inspirés du thrash old school aussi…

Je suis très inspiré par la musique actuelle. J’adore un paquet de bands dans presque tous les genres de métal. Neuraxis, Kataklysm, Heaven Shall Burn, Arch Enemy, Behemoth, As I Lay Dying, Nevermore, SYL, etc. Par contre, je suis pas mal old school dans mon approche de la guitare. La plupart de mes riffs ressortent d’un subconscient rempli de vieilles influences telles que Slayer, Death, Metallica, Suffocation, etc. Mais même si je suis le principal compositeur, ce qui donne le résultat final dépend beaucoup plus des arrangements et de l’apport de chacun des autres musiciens. Par exemple, un riff à la Slayer peut ne plus se ressembler une fois qu’on y ajoute les parties de drum et de basse. Simon à la basse compose souvent des parties qui donnent une tout autre dimension à mes riffs. Souvent, les guitares sont plus évidentes dans le mix de l’album, mais ça vaut la peine de porter attention à son travail à la basse. Il a un sens de la musique hors du commun. Il ajoute des éléments intéressants aux mélodies quand ça s’y prête bien, mais il sait aussi cogner avec la guitare pour ajouter de la puissance quand c’est ce dont on a besoin. Je crois que notre musique est beaucoup plus métal que core. Par contre, il est vrai que certains éléments nous rapprochent de groupes tels que Heaven Shall Burn. David au drum et Nick au vocal sont peut-être ceux qui apportent davantage ces aspects à notre musique. En conclusion, je peux dire que notre objectif n’est pas de « fitter dans un genre particulier », mais plutôt de composer de la musique à la fois agressive et mélodique qui sera intéressante à jouer et écouter en show.

Oui, Simon a un sens évident de la mélodie. Ses parties de piano sont superbes. L’intro et l’outro… ouf!

À la base, Simon est pianiste. Il ne joue de la basse que comme deuxième instrument. Parfois, on est au local à prendre un break ou à jaser et on l’entend dans son coin en train de jouer une superbe mélodie à la basse. Un jour, je lui ai demandé s’il aimerait en mettre quelques-unes sur le CD et il nous a fait la surprise de les adapter au piano. On devait les enregistrer avec JF Dagenais, mais on a manqué de temps, alors Simon les a enregistrées chez lui avec un petit clavier dans son studio maison. Il y produit des maquettes pour des bands locaux. Il y a tellement de groupes à Rimouski, je crois qu’il en a enregistré cinq ou six dans la dernière année.

Votre album Imminence of Death est paru l’automne dernier sur Galy Records. Parle-moi un peu de l’album et comment vous avez décroché ce deal.

Depuis le début, on savait ce qu’on voulait accomplir et on avait une bonne idée des moyens à prendre pour y parvenir. On savait que pour mettre un album au monde et avoir un deal, il y avait des incontournables. À moins d’être un « Sidney Crosby » de la musique, les labels ne signent pas de bands qui ne font pas de shows ou qui jouent seulement chez eux. Aussi, il faut amasser assez de cash pour produire un album ou du moins un excellent démo. On a donc fait nos devoirs pour jouer au max à l’extérieur du Bas-Saint-Laurent, même si nous n’étions pas connus, et nous avons produit un démo potable. Les shows et le démo ont attiré l’attention, mais ensuite, on a dû investir dans un produit fini avec un bon producteur pour mettre toutes les chances de notre côté et ça a marché. C’est un bon contrat que de se positionner pour être inclus sur des shows partout au Québec quand on vient de Rimouski et que personne ne nous connaît. Ça prend pas mal d’efforts. Pour ce qui est de l’album, on se préparait depuis longtemps à enregistrer, alors nos compositions étaient toutes prêtes à part certaines parties de Pierre-Luc qui venait de joindre le groupe. On a engagé JF Dagenais et on en est bien content. On savait ce qu’on voulait. Tous les membres du band ont participé à la production et ont donné leur input mais sans JF, le résultat n’aurait jamais été de cette qualité. Il a l’oreille, l’expérience et le talent. Avant d’aller en studio, on avait choisi 5 ou 6 de nos albums préférés pour mesurer la qualité de notre production. Je suis particulièrement fier d’avoir, à mon avis, dépassé plusieurs de ces albums en qualité de production. Je ne l’aurais jamais cru. Pour ce qui est de la qualité des compositions, et bien je vous laisse le soin d’en juger, mais je crois qu’on a fait du bon travail et que les fans de métal vont apprécier

J’ai remarqué que sur l’album, il y a deux titres en français. On ne voit pas ça souvent. Est-ce un choix délibéré ou c’est juste arrivé comme ça? Allez-vous en écrire d’autres?

Ça peut sembler un peu inhabituel pour le métal, mais dans notre région, les groupes écrivent presque tous en français. On n’a pas vraiment calculé ça pour Imminence Of Death, mais mon opinion à ce sujet est que l’on se doit de considérer les deux langues. Le français est notre langue alors je pense qu’on peut se permettre et même qu’on doit la promouvoir. Par contre, l’anglais est la langue naturelle du métal et elle demeure un incontournable si on veut vendre des CD ici et à l’extérieur du Québec. En gros, je crois que quelques titres en français pour un album produit au Québec par des francophones, c’est bien et logique.

Parlons textes. Ils parlent généralement de quoi?

Ils parlent de nous les humains, de nos émotions, de nos pensées, de notre évolution, de nos réactions face aux événements, de notre bêtise, de notre raison d’être, etc. Par exemple, « Chaos » parle de l’évolution que nous sommes en train de vivre par rapport à la possibilité grandissante que nous avons de nous forger nos propres idées et valeurs. On commence à penser un peu plus par nous-mêmes et ce n’est pas sans créer certains dérangements, du chaos… mais c’est pour aller vers une société et des individus meilleurs. Quelques textes sont inspirés de mes lectures de vulgarisation scientifique dans le domaine de la physique. Tu sais, tout ce qui touche à la nature de la matière, de l’espace et du temps et les lois qui les gouvernent. Je dois probablement être un des seuls fuckés que ça intéresse. Les textes pour « Origines » et « Our Last Horizon » parlent de physique.

Quels sont vos projets maintenant, à court et moyen terme?

À court terme, on va faire du live le plus possible. On veut présenter l’album et notre show au maximum de monde. On compte bien aller jouer chez vous d’ailleurs, c’est un must… Aussi, on est déjà en train de composer pour le prochain CD. Avec l’arrivée de Pierre-Luc et l’expérience du premier album, on a pris de la maturité pour composer et arranger nos chansons. Il reste pas mal de travail à faire pour la promotion de l’album, alors on travaille sur ça et sur la préparation de son successeur.

La question qui tue, maintenant! Vous avez joué à RN, où vous avez fait une sacrée bonne impression. Toi qui est de Rimouski, ville réputée pour sa scène métal, comment as-tu trouvé la scène ici?

[Rires] Oui, ok, la question qui tue. Content de pouvoir y répondre, sans blague, parce que nous en show, on se présente comme les gars qui viennent de Rimouski, la capitale du métal [rires]. Il va y avoir plusieurs facettes à ma réponse. Premièrement, on a été très impressionnés de l’ampleur que le métal a prise chez vous. Particulièrement le métal québécois. Je trouve ça merveilleux que les bands d’ici soient aussi bien encouragés à Rouyn-Noranda. Ça fait du bien et c’est bon pour toute la scène québécoise en général. Si on veut comparer, chez vous c’est exactement ce que nous avons vécu à Rimouski durant toute la période forte du métal jusqu’à environ l’an 2000. Je crois qu’il y a un phénomène spécial qui se passe en ce moment comme celui que nous avons connu où une grande majorité du monde trippe métal et ça devient comme un « trend » du métal underground. Je dirais qu’en ce moment, quand il y a un show à RN, il y a souvent plus d’assistance qu’à Rimouski. Par contre, je peux élaborer sur ce qui s’est ensuite passé chez nous, car c’est peut-être ce qui va se produire à RN. Le « trend » s’est essoufflé, mais ça a laissé des traces indélébiles sur la culture rimouskoise. Ça a laissé un « fan base » très important, mais qui s’est fragmenté. Les gens sont devenus très connaisseurs et ont développé des goûts plus précis quant au genre de métal qu’ils vont voir en spectacle. Aussi, les producteurs et les shows se sont multipliés. Ce n’est pas rare qu’il y ait plusieurs shows la même semaine. Ça n’a jamais bougé autant, mais les productions sont plus petites qu’autrefois. Ensuite, ça a laissé une autre trace : il y a plus de 25 bands actifs à Rimouski et la majorité d’entre eux se produisent en spectacle et ont des démos. Je ne sais pas si votre scène profite aux talents locaux, mais j’espère que tout ceci aidera à multiplier les bands chez vous. L’organisation du show auquel nous avons participé était impeccable et je crois que votre scène est en grande partie redevable à ces organisateurs de talent qui travaillent pour vous et qui savent monter un show avec succès. En résumé, je crois que vous avez de la chance de vivre une telle période pour le métal à RN. Profitez-en. Votre scène va peut-être changer dans les prochaines années, mais ce qui se passe en ce moment ne peut qu’avoir du bon. En tout cas, nous on souhaite retourner chez vous bientôt. On n’en est toujours pas revenu de la manière dont vous nous avez reçus alors que personne ne nous connaissait. J’espère que d’ici là, quelques-uns d’entre vous auront écouté l’album. Ça donne toujours de meilleurs shows quand les spectateurs connaissent les tounes.

Vortex [2006]

Dany Lévesque, guitare

David Canuel, batterie

Nicolas Tremblay, voix

Pierre-Luc Demers, guitare

Simon Dubé, basse

Facebook

Metal-Archives

piggyVous me pardonnerez mon manque de timing, cet article devait être en ligne hier soir, et j’ai finalement eu un contretemps. Je me reprends ce soir. Hier, on soulignait sur les réseaux sociaux le 8e anniversaire du décès de Denis «Piggy» D’Amour, guitariste fort respecté du légendaire groupe québécois Voïvod. Un musicien qui en a inspiré bien d’autres. Un musicien qui a su créer sa propre signature (ce n’est pas peu dire de nos jours). Un musicien qui a marqué son temps et ses contemporains. Plusieurs le citent encore aujourd’hui comme une référence dans le genre. Pour ma part, je ne répéterai que ce que j’ai toujours répété: j’ai vu Voïvod plusieurs fois en show et même s’ils n’avaient qu’un guitariste, j’avais toujours l’impression en les écoutant live qu’ils étaient plusieurs. Il avait cette capacité à prendre tout l’espace sonore que devaient prendre les guitares. Et ceux qui l’ont connu [je ne suis pas l’un d’eux, je ne l’ai rencontré que deux fois, très brièvement] n’en disent que du bien. Je vous laisse donc avec cet hommage posthume qu’avait commis notre collaborateur Sylvain «Tower» Latour pour notre #2, paru à l’Automne 2005.

***

Le 26 août dernier, peu avant minuit, un des membres originaux de Voivod, le guitariste Denis D’Amour surnommé «Piggy», est décédé à l’âge de 45 ans des suites de complications dues à un cancer du côlon. Celui-ci aura eu raison de ce musicien d’avant-garde qui avait pourtant déjà remporté une bataille contre une tumeur maligne au cerveau causant l’annulation en 1988 d’une tournée américaine avec Testament et Vio-lence durant le chapitre Dimension Hatross. Les funérailles ont eu lieu à Jonquière, le 2 septembre suivant, où une guitare a été brûlée symboliquement.

Par Tower

Un départ qui fait réfléchir, comme à chaque fois qu’une quasi-légende du monde musical underground s’éteint et quitte sa forme terrestre. On aurait pourtant tendance à croire un peu naïvement en l’invincibilité à long terme d’un Chuck (Death), d’un Quorthon (Bathory) ou encore d’un Dimebag (Pantera), des pionniers qui, bien que par leur accomplissement en tant que terriens créateurs, soient sujets pour une horde de fanatiques et d’observateurs à l’immortalité au sens figuré.

Je suis convaincu que bien des gens de la région de Chicoutimi/Jonquière ne donnaient pas cher de la peau des protagonistes de la bande à Snake Bélanger, il y a une vingtaine d’années déjà, alors qu’ils prenaient la route pour la première fois pour aller faire entendre leur «bruit», une fusion d’éléments sonores qui semblait avoir été créée dans un laboratoire souterrain par de machiavéliques stratèges de guerre post-nucléaire. Le «Voivod» était né, et personne n’aurait cru que son exploration aura été aussi longue et palpitante, comme le matériel artistique qui a véhiculé son aventure, autant au niveau musical que conceptuel; une évolution dans laquelle Denis D’Amour aura joué un rôle de premier plan.

D’amour et de musique! C’est pour cela qu’il aura vécu. L’amplitude de ses goûts musicaux (de Rush à Venom en passant par King Crimson et Pink Floyd) aura influencé son aptitude à créer des assemblages d’accords particulièrement recherchés, et une structure musicale inattendue d’un album à l’autre. Un défi en ce qui concerne l’univers de Voivod, d’évoluer au niveau sonore dans la même mesure que le personnage (tout comme le Eddie de Iron Maiden) qui se perfectionnait (ou régressait) à chaque étape. Sa signature aura influencé une génération de groupes émergeant dans les années 90, notamment les Sepultura, Fear Factory et bien d’autres.

Piggy (que je décrirais comme une version thrash métal de Alex Lifeson de Rush) fut décrit personnellement comme quelqu’un de relativement privé, mais facile d’accès, dans le sens non-vedette de la chose. Alors que je faisais ma première couverture pour le fanzine Extreme Radiophobia, j’ai rencontré le guitariste pour la première fois à l’arrière-scène lors de la tournée Polliwog, le 12 juillet 1999 à Rouyn, juste avant leur 2e prestation en 10 ans dans ce périmètre. C’est en lui montrant une vieille carte d’affaires de Johnny Hart, gérant de Aggression de Montréal, au milieu des années 80, qu’il s’est rappelé non seulement de l’item en question, mais fait mention d’une «boîte à souvenirs» qu’il aimait redécouvrir au grenier de temps à autre, lui rappelant toutes sortes de choses se rapportant à son passé. Quatre mois plus tard, je le revis au concert de SOD aux Foufounes à Montréal, redevenu un kid nostalgique des 80’s pour l’occasion, au même titre que tous les autres trentenaires réunis dans la salle. Un contact amical encore une fois, un témoignage de simplicité, contrairement à la complexité de ses riffs, de sa musique, et de l’accomplissement global du band.

On se souviendra de lui comme d’un joueur important dans la reconnaissance de la scène métal ou alternative locale avec Voivod, le plus grand ambassadeur à l’étranger que nous aurons connu à ce jour. Il partait au front, non pas avec des convictions verbales, mais avec des armes qu’il façonnait lui-même, tel le Voivod intraterrestre; ses guitares… C’est avec celles-ci qu’il véhiculera partout sur la planète un message musical d’avant-garde, sur les 13 albums du groupe pendant 20 ans, un héritage qu’il nous aura légué sur vinyle et sur CD, valide jusqu’à la fin de nos propres jours.

Peu de temps avant de partir, Piggy aura confié à son batteur/graphiste Michel Langevin (dit «Away») la mission de prélever ses derniers essais de guitares pour permettre de compléter un prochain album qui était en cours de production. Malgré une mission ainsi interrompue pour lui, signifiant peut-être le chapitre final du Voivod, il aura pu faire un bilan très enviable en accomplissant ce que la plupart des terriens n’auront pu; avoir sorti album s par-dessus album s, la reconnaissance mondiale et avoir eu un impact significatif dans un monde aussi vaste que celui du métal, ou la musique progressive sous toutes ses formes. Malgré son absence, Piggy restera toujours sans contredit dans nos cœurs un des quatre «Warriors of Ice» de Jonquière…

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Photo promo: S. Kinkade

Pour notre troisième entrevue publiée sur ce blogue, on revisite le #8 d’ARSENIC, publié à l’hiver 2008.  Pourquoi? Pour cette entrevue avec John Gallagher, une de ces légendes vivantes de la scène death métal US, membre fondateur de Dying Fetus. Dying Fetus qui, je vous le rappelle, seront de la soirée métal du Festival de musique émergente de l’Abitibi-Témiscamingue, le dimanche 1er septembre [sept dodos!], avec Cryptik Howling, Origin et Voïvod. Quand même amusant de constater que Jason Netherton [Misery Index] et John Gallagher, qui ont fondé ensemble Dying Fetus, ont d’abord joué ensemble dans un groupe nommé Damnation. Mais bon, sûrement pas les auteurs du P’tit Poisson 🙂 Remarquez aussi que depuis l’entrevue, le groupe a commis deux albums, dont le plus récent est Reign Supreme (Relapse Records, 2012). Il est aussi redevenu un trio. Allez, bonne lecture!

Par Martin Guindon

Qui eût cru que Dying Fetus, qui figure parmi les kings du death métal des années 90, serait un jour en spectacle à Rouyn-Noranda? Parlez-en à mon ami Dominic, ex-propriétaire de l’Enchevêtré Musique qui a longtemps rêvé de les faire venir à Amos, jadis (mais qui a trouvé le moyen de les manquer à Rouyn, scandale!). Bah, faut quand même pas oublier que Cannibal Corpse, Suffocation, Cryptopsy et Napalm Death sont aussi venus ici. Mais revenons à DF. Ce n’est peut-être plus le groupe de l’époque d’albums comme KILLING ON ADRENALINE ou DESTROY THE OPPOSITION, mais quand même. Ça torche solide en show. Du bon deathgrind qui frappe droit au cœur et à la tête. Je n’allais certes par rater l’occasion de rencontrer le leader du band et seul membre fondateur restant, John Gallagher, pour une petite jasette. On revient sur l’ensemble de l’œuvre de Dying Fetus et d’autres sujets, dont la relation avec les ex-membres qui ont formé Misery Index (Entrevue dans le prochain numéro en passant!). Sachez que l’entrevue a été réalisée en anglais et traduite par l’auteur de ces lignes.

Dying Fetus s’est formé en 1991. Comment vous êtes-vous réunis?

Les deux principaux fondateurs du groupe sont Jason Netherton (Misery Index) et moi. Nous ne sommes pas allés au High School ensemble, mais nous étions dans un band ensemble à cette époque. En fait, avant de former Dying Fetus, nous étions dans un groupe nommé Damnation, qui faisait du power métal influencé par Overkill et Metal Church. C’est là qu’on s’est lié d’amitié et qu’on s’est mis à jammer. Ça a duré une couple d’années. Ensuite, on est sorti du High School. On écoutait du death métal. Death. Death a sorti un album. Sepultura, Obituary… on en écoutait, mais on n’en jouait pas dès le départ. On a finalement décidé de faire le saut et de faire du death métal. On a essayé différents noms de band, de Decomposed, Flegm, Death Fetus… tous les bons noms étaient pris. Déjà au début des années 90, ce n’était pas évident. Mais on aimait le nom Fetus. On a essayé Decomposed Fetus… pourquoi pas Dying Fetus? On l’aimait bien celui-là. On s’est mis à écrire de la musique gore, au niveau des thèmes lyriques, et c’est comme ça que ça a débuté pour nous. C’était Jason, moi et ce garçon nommé Lefty.

C’était au moment de l’explosion death métal du début des années 90…

Tout à fait. Ce sont ces groupes qui nous ont inspirés. Deicide, Malevolent Creation, les autres groupes que j’ai mentionnés plus tôt.

Votre premier album est INFATUATION WITH MALEVOLENCE (Wild Rags Records, 1995). Mais vous aviez sorti deux démos auparavant… qui ont servi à faire le premier album?

Le premier démo était BATHE IN ENTRAILS (1993) et le second était INFATUATION WITH MALEVOLENCE (1994). Quand INFATUATION est sorti, on avait négocié un contrat avec Wild Rags Records. Il avait pour idée de ressortir les deux démos sur un seul CD et l’appeler INFATUATION. C’est ce qu’on a fait. Techniquement, c’est donc notre premier album. On avait payé l’enregistrement et la production. Il lui a envoyé le master et il a imprimé les CD. C’est comme ça que ça fonctionne souvent dans l’underground. Le label va imprimer 1000 copies et en donner une centaine au groupe.

Vous avez ressorti l’album en 1999 avec votre propre label, Blunt Force Records. Avec des chansons live en boni…

Oui. Il était toujours pas mal disponible. Tu sais, même si c’est primitif et que ça suce par rapport aux standards actuels, il faut garder ce matériel disponible. Les gens peuvent voir d’où le groupe vient et comment il a progressé depuis. Je ne suis pas particulièrement fier de la batterie sur cet album. C’est un autre monde avec aujourd’hui.

L’année suivante, vous avez sorti PURIFICATION THROUGH VIOLENCE (Pulverizer Records, 1996). Vous aviez fait une tournée nord-américaine avec Kataklysm à l’époque…

Oui. C’était notre première tournée officielle. On ouvrait pour Monstrosity et Kataklysm. On a fait quoi, un mois de concerts en Amérique. Ce fut une expérience d’apprentissage. C’était bien cool. On avait beaucoup appris avec ces groupes. Monstrosity était là depuis six ou sept ans. Être entouré comme ça de gars d’expérience… tu apprends beaucoup.

Sentiez-vous que ça décollait, quand vous avez décroché cette tournée?

Pas mal, oui. On a commencé à frapper des marchés comme Houston au Texas, où on a vendu pour un millier de dollars de marchandise en une soirée. On était comme: «What the fuck?». Dans certains endroits, comme au Texas et au Canada, New York aussi… on sentait une forte réaction pour Dying Fetus et ce sont des gros marchés. C’est pas mal à ce moment que ça a commencé à décoller pour nous.

Puis vous avez sorti KILLING ON ADRENALINE (Morbid Records, 1998), qui est certes un des préférés de vos fans…

Pas mal oui. C’est un de nos meilleurs albums… L’album est sorti sur Morbid Records, mais Blunt Force avait les droits exclusifs pour l’Amérique du Nord. Avec cet album, nous avons fait notre première tournée européenne. On a mis un pied dans la porte.

Vous vous tapiez encore tout l’ouvrage à ce stade-ci?

Oui. On payait encore pour tous les coûts en studio. On faisait de la promotion. À ce stade, on se disait: fuck les maisons de disques. On sait à quoi elles servent de toute façon. N’importe qui dans cette business avec un peu d’expérience sait pourquoi elles sont là. Elles ne font que capitaliser sur le talent des musiciens. J’ai toujours trouvé ça un peu chiant que ces gens soient dans des bureaux et prennent le dur labeur de quelqu’un d’autre pour en faire de l’argent. Mais après KILLING, j’ai commencé à réaliser qu’on devrait aller avec une maison de disques, parce qu’ils ont l’argent, ils peuvent te faire plus de publicité et ils ont des employés. C’est une business merdique, mais tu ne peux vraiment t’en sortir à un certain stade.

Musicalement, vous aviez vraiment atteint le mix parfait entre le death métal et le grindcore.

On essayait d’incorporer le plus d’éléments possibles dans notre musique, pour la garder à la page et intéressante. Il faut constamment se renouveler.

Le EP GROTESQUE IMPALEMENT (Blunt Force Records, 2000) était un ramassis de vieux matériel et de covers. C’était pour faire patienter les fans avant le prochain album?

C’était pour donner de quoi de nouveau aux gens en entendant. KILLING était sorti depuis deux ans…

Je trouve que vous aviez donné une twist vraiment intéressante à la chanson de hardcore «Bringing Back the Glory», de Next Step Up. C’est aussi un groupe du Maryland, n’est-ce pas?

Oui. On a fait un cover d’Integrity sur KILLING. On a fait d’autres covers de hardcore. On a simplement ajouté des blast beats pour rendre la chanson plus à la sauce Dying Fetus. C’est comme ça que j’ai toujours perçu les covers. Je ne toucherais pas à certaines chansons parce qu’elles sont déjà excellentes. Prenons Slayer par exemple. À part peut-être quelque chose sur SHOW NO MERCY, mais encore… Mais si une chanson peut être améliorée, ou faite avec une meilleure production, go. Mais si elle est déjà très bonne, je ne me vois pas y toucher. C’est plaisant aussi de s’attaquer à des chansons plus obscures, moins connues.

Cet album est sorti juste avant votre contrat avec Relapse Records?

En fait, je crois qu’on venait de signer avec Relapse. Je crois qu’on a fait GROSTESQUE après DESTROY THE OPPOSITION (Relapse Records, 2000). Une partie de GROSTESQUE, c’était de revenir au gore un peu. DESTROY avait l’Oncle Sam et tout ce côté politique.

Oui, avec DESTROY, vous avez pas mal laissé le gore de côté pour vous tourner les questions politiques et sociales…

Oui. Tout à fait. Et on voulait faire quelques chansons gore, ce qu’on a fait sur le EP. On voulait dire qu’on ne serait pas juste axé sur le côté social des choses.

Vous avez à nouveau tourné avec Kataklysm…

Je crois qu’on a fait trois tournées avec Kataklysm. Ce fut toujours de belles tournées. Je connais Maurizio depuis longtemps. On a fait des tournées européennes avec eux, il y a cinq ou six ans. Ils ouvraient encore là-bas à l’époque. Maintenant, ils sont rendus pas mal gros en Europe.

DESTROY est un excellent album et il avait un line-up incroyable. Toi, Jason, Sparky (Voyles, Misery Index) et Kevin Talley (ex-Death, ex-Misery Index) à la batterie.

C’est album tue. Certains le considèrent comme un classique. Ce fut une belle production.

Quelle était cette opposition à détruire? Quel était le thème de l’album? Était-ce politique?

C’était juste un titre tellement puissant. Jason l’avait trouvé et c’était brillant. On peut le relier à plein de sujets. Je ne sais pas à quoi il pensait en termes d’opposition.

Vous avez tourné pendant 16 mois pour cet album? Est-ce possible?

Quelque chose du genre oui. On a vraiment mis la gomme sur la tournée. On a fait beaucoup de tournées pour le supporter. C’est ce qu’il faut faire dans cette industrie pour demeurer bien en vue. Il faut sortir. Tu ne peux rester à la maison après avoir sorti un album. Tu vas rester un petit groupe si tu fais ça.

Ça doit expliquer l’attente de trois ans avant STOP AT NOTHING (Relapse, 2003)?

Ça et les changements de personnel. S’il y a un long écart de temps entre deux CD, c’est qu’il y a eu beaucoup de tournées et des problèmes à refaire un line-up. Ça demande beaucoup de temps. On voulait aussi prendre le temps nécessaire pour sortir un album de qualité. Je préférerais attendre que de sortir une merde, tu sais? Je ne veux pas faire attendre les fans inutilement, mais je préfère qu’ils attendent et puissent entendre quelque chose de potable plutôt que de chier un nouvel album chaque année juste pour faire de l’argent. On laisse ça à d’autres. On est là pour la musique, pas pour l’argent. Si la musique se met à souffrir, je vais préférer tout arrêter plutôt que de continuer à m’enliser.

STOP AT NOTHING a reçu à la fois des reviews très positifs et très négatifs…

Tu ne peux plaire à tout le monde. Je crois bien que tout le monde sait ça. Les opinions divergent en effet sur cet album. Des gens le considèrent comme étant une merde, d’autres disent que c’est le meilleur qu’on n’a jamais fait. Qui peut dire ce qu’est la vérité? Ce sont toutes des opinions.

Cet album comptait plus de passes groovy, peut-être que ça explique une partie des réactions négatives?

Vrai. Ceux qui aiment les blasts n’aiment pas les grooves, et vice-versa. Mais plus tu deviens gros, plus tu vas te faire tirer dessus et faire face à plus de critiques. J’ai subi des attaques personnelles sur Internet, par des gens qui ne me connaissent pas du tout (PsyKo: à propos de son intérêt plus grand pour le rap que certaines choses qui se font dans le métal)… et c’est la vie. Plus tu deviens big, plus tu auras des trous de cul pour essayer de te ramener par terre.

La présence des deux vocaux est une marque de commerce dans Dying Fetus…

Oh oui, ça a toujours été bien présent. Dès le début, Jason et moi avons été inspirés par Carcass, qui le faisait en 1989. C’était notre principale inspiration. Ils ont utilisé plusieurs techniques vocales. Haut, bas, mixé… on a incorporé ça dans notre style. On ne les a pas inventés, mais oui, on les utilise.

Tu réussis toujours à trouver quelqu’un pour chanter avec toi…

Oui, c’est important pour nous. On n’a jamais voulu avoir un seul vocal monotone dans Dying Fetus.

Vous venez de sortir un nouvel album, WAR OF ATTRITION. Six des huit pièces ont été entièrement écrites par toi?

Plus ou moins oui. Quelques riffs viennent d’autres. Mike a poussé un riff pour «Homicidal». On s’est quand même réunis pour faire du remue-méninges ensemble, avec un ordinateur pour la batterie. Surtout les fins de semaine, parce que la semaine, il faut travailler pour payer les factures. On ne vit pas sur les royautés de Dying Fetus (rires). C’est une réalité. Quand on ne tourne pas, il faut travailler, à moins de vouloir habiter une tente dans le bois. Où l’on vit, dans la région de DC, le coût de la vie est élevé. Ça demande du temps ça aussi entre les albums.

C’est toi le gardien de la flamme, celui qui s’assure que ça va sonner comme du Dying Fetus?

Sans doute, oui. J’imagine que tant que je contribue, ça va sonner comme du Dying Fetus. Je suis là depuis le début. Ça fait maintenant partie de mon style. La majorité du temps, la musique vient de moi. C’est mon bébé. C’est une grosse partie de moi. La musique, même avant Dying Fetus, est une obsession pour moi. De pouvoir le faire et avoir l’opportunité d’être où nous sommes aujourd’hui… je ne veux pas perdre ça. Il faut donc donner son 100 % tout le temps.

Est-ce que tu t’occupes aussi des textes?

Non, je ne touche pas aux textes. Je vais parfois suggérer des titres de chansons ou des sujets à aborder. Jason Netherton s’en est chargé. Maintenant c’est Mike Kimball. Ça n’a jamais été mon affaire. Je suce dans ce domaine. Quand Jason a quitté, j’ai bien essayé, mais ça ne marchait vraiment pas. Il fallait trouver quelqu’un pour le faire, d’autant plus que Jason écrivait vraiment de bons textes. On ne pouvait pas revenir avec des textes pourris. Heureusement, l’arrivée de Mike a réglé le problème. Je crois qu’il fait du très bon boulot à ce niveau.

Vous avez trouvé un batteur assez solide, avec Duane (il a quitté récemment le groupe, pour être remplacé par Trey Williams, de Covenance)…

Ouais, il botte des culs! C’est Bruce Grieg (Covenance, ex-Dying Fetus) qui m’avait appelé pour me suggérer Duane. Je le connaissais. Il a joué dans Divine Empire et on a fait une tournée avec eux en 2003. On avait annoncé sur le net qu’on cherchait un drummer et il ne nous avait pas fait signe. C’est Bruce qui nous a finalement mis en lien. Je n’avais pas son contact. On avait reçu beaucoup d’applications. Beaucoup de courriels avec des vidéos. Jamais rien de convaincant. On a passé beaucoup de batteurs à ce jour, espérons que Duane va continuer à faire son bout avec nous.

Sean contribue aux voix, pour faire les dual vocals…

Oui, il faut bien. Ça va mieux pour nous de travailler en quatuor. Je n’avais aucune idée qu’il pouvait le faire, jusqu’à ce qu’on commence à avoir des problèmes avec Vinnie (David Vincent). Je le poussais pour qu’il s’essaie. Il hésitait. Éventuellement, Vinnie a été remercié. Vinnie a été poussé à nouveau et il a accepté. Et il le fait plutôt bien selon moi. Il a un vocal qui ressemble un peu à celui de Jason et c’est ce qu’on voulait. Quelle chance. Je suis contente que ça arrive avec un membre du groupe, pour ne pas qu’on soit obligé d’aller chercher quelqu’un de l’extérieur pour faire les voix avec moi.

Satisfait de la réponse obtenue par l’album à ce jour? Les reviews sont définitivement plus positifs que pour STOP AT NIGHT…

Oui, j’ai lu quelques critiques négatives, mais règle générale, c’est assez positif. On ne peut plaire à tous. Les fans l’aiment. En tournée, on reçoit beaucoup de feedback positif. On a travaillé fort pour sortir cet album. Ce sont les fruits de l’effort, quand les gens viennent nous dire qu’ils aiment l’album.

C’est toujours un poids à traîner, que d’avoir connu autant de succès et d’avoir une aussi longue carrière…

Oui. Je suis convaincu que je me suis fait beaucoup de nouveaux cheveux gris ou encore j’en ai perdus avec tout ce stress. (rires) Quand tu as fait des grands albums comme KILLING et DESTROY, c’est difficile d’accoter ça par la suite.

Avec qui avez-vous travaillé en studio cette fois-ci?

Le même mec que d’habitude, Steve Carr, du Hit & Run Studio. Il a aussi mis 110 % d’effort dans cet album pour le rendre aussi bon qu’il le pouvait. Il a fait de l’excellent travail en studio.

Vous avez sorti un clip pour la chanson «Homicidal Retribution»?

Oui, on a tourné ça au Eastern State Penitenciary à Philadelphie. On s’est gelé le cul. Il faisait 27 degrés Fahrenheit (PsyKo: -3 Celcius).  Il neigeait. C’est une prison en ruine. On peut en faire une tournée, mais on ne peut y entrer comme on veut. C’était cool. Outre le froid, tout était bien. J’ai dû annuler ma journée de travail le lendemain. J’étais vraiment crevé. Belle expérience.

Quels sont les plans pour le groupe maintenant?

Beaucoup de tournées pour supporter l’album. Il y a l’Europe. On va participer au Brutal Assault en République tchèque. On fait des festivals en Europe. On va en Russie pour la première fois. L’Ukraine… On va faire des dates ici et là entre les festivals. Le Japon, l’Australie, l’Amérique du Sud…

Prenez-vous le temps de visiter quand vous êtes en tournée comme ça?

Quand nous sommes allés en Colombie, je n’ai pas vraiment visité. C’est surtout de l’hôtel et un peu de bar. Mais règle générale, on ne voit pas beaucoup de sites touristiques. Si on a une journée de congé, comme on a eu à Paris lors de notre dernière tournée… nous sommes allés voir la Tour Eiffel et d’autres sites. Nous étions allés à Paris tellement souvent sans jamais voir la Tour Eiffel. À Rome, nous avons visité le Colisée. Mais on est surtout là pour tourner et faire de la musique, pas du tourisme.

Le mot clé est la journée de congé et vous ne semblez pas en avoir beaucoup…

En effet. Et parfois, tu vas avoir ta journée de congé dans le milieu de fucking Nebraska, genre. Ou bien il faut rouler pendant la journée de congé. Tu as une journée de congé, mais le prochain show est à 20 heures de là… alors hop, en route! Mais bon, c’est un peu le choix de vie qu’on a fait. Je ne me plains de rien. Faire de la tournée n’est certes pas de tout repos. Mais quand on met tout ça en perspective, on se dit: bah, je pourrais aussi être en train de faire ma job régulière. Et ça, ça suce plus que tout! Ça explique pourquoi on est en tournée tout le temps. (rires)

As-tu toujours des liens avec Jason, Kevin (Talley) ou les autres anciens membres?

Oui. Ce sont tous des amis. On a connu des moments plus houleux. Mais Kevin, Sparky (Voyles) et Jason sont restés des bons potes. Quand la tension monte et que les situations changent, il y a des flammèches évidemment. Mais bon… On va tourner avec Daath, alors je vais voir Kevin dans quelques semaines. Si on était en de mauvais termes, je ne voudrais rien savoir de tourner avec eux. Ce n’est pas le cas. J’ai vu Sparky juste avant de partir en tournée.

Tu suis ce qui se passe avec Misery Index?

Oui, tout à fait. J’ai pas mal tous leurs albums. Mes préférés sont RETALIATE et OVERTHROW. DISSENT est bon. J’aime beaucoup le drumming de Kevin. Misery Index est cool.

Dying Fetus [2008]

John Gallagher, guitare et voix

Sean Beasley, basse et voix

Mike Kimball, guitare

Trey Williams, batterie

Site officiel

Metal-Archives

BandCamp

Immortel – Voïvod #12

Publié : 28 juillet 2013 dans ARSENIC #12
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Photo: Danny Clinch

Photo: Danny Clinch

Pour notre deuxième entrevue mise en ligne sur le blogue d’ARSENIC, on revisite un passé pas si lointain. Cet entretien avec Michel «Away» Langevin remonte à 2009 et a été publiée dans notre dernier numéro, le #12, paru à l’automne de cette année-là. Les choses ont changé depuis. Jason Newsted était dans le band, Jean-Yves «Blacky» Thériault et Daniel Mongrain étaient des musiciens live… on était alors loin de se douter que le groupe originaire de Jonquière allait nous écrire une bombe comme TARGET EARTH [Century Media, 2013]. Et pour la première fois depuis le départ de Piggy, à moins que je ne m’abuse, ils fouleront le sol abitibien lors de la soirée métal du Festival de musique émergente de l’Abitibi-Témiscamingue, le dimanche 1er août, sur la scène du Petit Théâtre du Vieux-Noranda. Bonne lecture! [PS: le Psyko qui intervient entre les crochets, c’était mon nom d’emprunt pour le fanzine]

Par Martin Guindon

Vous n’êtes pas sans savoir sans doute toute l’admiration que j’ai pour ce groupe. Je connais Voïvod depuis maintenant une vingtaine d’années. Je les ai vus live un certain nombre de fois, du line-up original, à celui avec Eric Forrest… mais pas depuis le retour de Snake ni évidemment depuis le grand retour des gars sur scène avec Dan Mongrain en guise de guitariste. Bon, où reprendre. Il s’est passé quand même quelques petites affaires dans la vie du groupe depuis notre dernière entrevue. Les gars ont finalement enregistré un deuxième album avec tout le matériel laissé par Denis «Piggy» D’Amour, sur son ordinateur. Un album un peu différent, et je vais laisser Michel «Away» Langevin vous expliquer pourquoi. On a aussi jasé de l’intégration de Dan Mongrain, des spectacles, de l’avenir… et d’autres affaires. Voyez par vous-mêmes!

Michel, la dernière fois qu’on s’est parlé, c’était pour ARSENIC #4 [Été 2006]. Vous alliez alors sortir KATORZ [The End, 2006]. Comment avait finalement été reçu cet album?

Ça avait été très bien reçu, dans le sens que ça existe. Par contre, peut-être qu’il y a des gens qui se rendent compte que ça aurait pu être un peu plus développé au niveau des structures des chansons. Mais en général, c’est sûr que ça a été très bien reçu et qu’on n’aura pas vraiment de problème pour INFINI à ce niveau-là, parce que les gens qui écoutent Voïvod sont juste contents que l’on finalise les projets après le départ tragique de Piggy. Nous, on ne pense pas vraiment en termes de conquérir d’autres marchés. On fait du Voïvod et ce sont les amateurs de Voïvod qui en profitent.

À l’époque, vous n’étiez pas encore prêts à faire un show sans Piggy. Vous aviez du mal à voir quel guitariste pourrait le remplacer live. Tu avais alors évoqué un gars avec une signature particulière comme Andreas Kisser de Sepultura. Finalement, votre choix s’est arrêté sur un Québécois pure laine, Daniel Mongrain [Martyr, ex-Cryptopsy, ex-Gorguts, ex-Capharnaum]. Pourquoi?

Dans le cas d’Andreas, c’était plutôt pour un spectacle hommage à Piggy qu’on avait pensé à lui. Mais on ne pensait pas vraiment remplacer Denis pour partir en tournée. Même après la sortie de KATORZ, Denis Bélanger et moi, on s’est un peu éloigné de Voïvod en général pour prendre un peu de recul et développer nos trucs séparés. Je ne pensais plus vraiment retourner sur les planches avec Voïvod. Je pensais même que les gens allaient oublier Voïvod et c’est le contraire qui s’est produit. Au fil des années 2006, 2007 et début 2008, il y avait de plus en plus de demandes de la part des promoteurs pour qu’on fasse une reformation pour faire des spectacles. Les gens en ligne dans des forums de Voïvod insistaient beaucoup pour qu’on entre en studio pour réaliser INFINI. On s’est laissé convaincre. Finalement, Heavy MTL [PsyKo : juin 2008], c’était tellement merveilleux comme expérience que ça nous a encouragés à faire d’autres spectacles avec Ozzy à Calgary, puis le Centre Bell avec Judas Priest et le Japon avec Testament. On est revenu «réénergisé». Dans le cas de Dan, c’est surtout un ami de Jean-Yves [«Blacky» Thériault, bassiste]. Par contre, je l’avais vu faire un medley de Voïvod avec Jean-Yves en 2007 au Club Soda pour les 25 ans du métal québécois. Denis et moi, nous étions dans la salle et on a vraiment été impressionnés. C’était clair dans ma tête que techniquement, Dan n’aurait aucun problème à reproduire les accords de Denis. C’est aussi quelqu’un de très humble et ça, c’est super important. Donc, c’est un peu à travers Jean-Yves qu’on a connu Dan et finalement, c’est un Voïvod [rires].

Je ne pensais plus vraiment à retourner sur les planches avec Voïvod. Je pensais même que les gens allaient oublier Voïvod et c’est le contraire qui s’est produit

Donc, le premier show depuis le départ de Piggy aura été celui du Heavy MTL?

Oui. Et ça a pris du temps avant que je me laisse convaincre. C’est Snake qui m’est arrivé à un moment donné et m’a dit : «Si on ne donne plus de spectacles et si on n’entre pas en studio pour finaliser INFINI, la musique va pourrir et mourir. C’est mieux de la faire vivre.» C’est vraiment ça qui m’a convaincu et là, je ne le regrette pas du tout. On a entre 20 et 25 festivals de prévus cette année en Europe, au Québec et au Mexique. Je trouve ça vraiment excitant et j’espère qu’on va tourner jusqu’à ce qu’on ne puisse plus tourner. Les breaks ont été vraiment très longs dans la carrière de Voïvod. Il y a eu des périodes… comme là, je pense que ça fait presque dix ans qu’on n’a pas joué en Europe. Ça n’a pas de bon sang, dans la carrière d’un groupe. Je veux vraiment qu’on en profite. Surtout qu’on est comme passés dans une catégorie thrash métal classique où l’on partage la scène des festivals avec d’autres groupes de notre génération. C’est un mouvement très apprécié, surtout en Europe. On va donc en profiter.

Mais on parle surtout de festivals. Pensez-vous faire une tournée nord-américaine pour supporter INFINI par exemple?

Hmmmm. Ça, je ne pourrais pas te dire. Je pense qu’on va plus se concentrer sur les festivals. Je ne penserais pas qu’on fasse une tournée nord-américaine dans les clubs, à moins qu’un groupe nous invite à ouvrir pour lui, comme Slayer ou je ne sais pas. Là, ça pourrait être très intéressant. Mais partir en tournée dans les clubs, ça me semble moins intéressant que de faire les festivals pour l’instant.

Vous avez donné des concerts au Japon. Raconte-nous un peu cette aventure. Vous y étiez déjà allés?

Non, c’était la première fois et c’était une expérience assez incroyable. La plupart des gens ne nous avaient jamais vus et nous attendaient depuis 25 ans. C’était quelque chose en tout cas [rires]. En fait, ça a tellement bien fini notre année de spectacles l’an dernier que c’est un peu ça qui nous a donné l’énergie, à Denis et moi, pour entrer en studio et finaliser INFINI. On s’était reconstruit depuis KATORZ. À l’époque de KATORZ, on était en état de choc et on n’était beaucoup plus focus que sur le nouvel album.

Parlons-en justement de ce nouvel album. INFINI sort le 23 juin sur Sonic Unyon au Canada et Relapse aux États-Unis. Votre entente avec The End était pour un album seulement?

C’était renouvelable, mais je pense… En fait, c’est une séparation qui s’est faite à l’amiable. Je ne sais pas. Peut-être qu’eux considéraient que… En fait, je ne pourrais pas dire. Moi, je suis un peu content. J’essaie de ne pas trop devenir ami avec les gens de compagnies de disques pour ça, parce qu’à chaque deux albums, on peut changer [rires]. Je laisse surtout ça dans les mains de notre gérance, qui va s’organiser pour que ce soit la meilleure situation pour le groupe. The End Records, c’était pour KATORZ. Relapse, c’est pour INFINI. Et le prochain album, s’il y en a un autre, je ne sais même pas qui va nous signer. Avec Voïvod, j’ai appris à prendre ça au jour le jour, inquiète-toi pas [rires].

Est-ce que le titre, INFINI, a une signification particulière, en lien peut-être avec le fait d’immortaliser ces dernières chansons de Piggy pour la postérité?

Oui, c’est un peu pour mettre l’accent sur le côté éternel de la musique que Denis D’Amour avait écrite avec le groupe. Le fait aussi que ce soit un titre en français, c’était pour nous représenter, nous autres et nos origines. Ça voulait aussi un peu dire que Voïvod est immortel. Dans le fond, ce n’est jamais fini. Il peut arriver d’autres trucs dans le futur. On peut faire d’autres projets. C’est aussi un petit clin d’œil évidemment à Denis D’Amour.

Le fait aussi que ce soit un titre en français, c’était pour nous représenter, nous autres et nos origines. Ça voulait aussi un peu dire que Voïvod est immortel

Donc, sur INFINI, on retrouve les 13 dernières chansons que Piggy avait composées avant sa mort. Les 10 premières avaient été endisquées sur KATORZ. Comment aviez-vous fait le choix des chansons qui apparaîtraient sur chaque album?

Ce qui est arrivé, c’est qu’en 2004, on avait fait les démos pour les 23 chansons. À ce moment-là, Denis était allé à San Francisco au studio de Jason, et toujours avec son laptop, il avait enregistré les pistes de basse de Jason. Jason avait composé la basse pour dix chansons. C’est ça qui est devenu KATORZ. Pour INFINI, pour les 13 chansons qui n’avaient pas de basse et qu’on a finalisées l’an dernier, Jason a dû écrire la basse. Il les a enregistrées à San Francisco. Donc, c’est une sélection qui s’est fait plus par Jason. Peut-être qu’il a fait la basse pour dix chansons qui pour lui étaient connectées? Je ne sais pas. Il avait écrit ces dix partitions-là. Peut-être que c’est aussi complètement au hasard. Mais c’est étrange. Les gens trouvent que INFINI est un peu différent de KATORZ. C’est peut-être juste le fruit du hasard…

Peut-être… Comment s’est déroulé cette fois-ci le processus de création? Est-ce qu’il a différé de celui de KATORZ? Comment avez-vous enrobé les chansons à partir des guitares de Piggy?

J’ai fait la batterie. On l’a envoyée avec les riffs de guitare à San Francisco, où Jason a fait la basse. Il nous a renvoyé tout ça et Denis Bélanger a fait le vocal par-dessus tout ça. Alors, on a tout fait ça dans des studios différents, encore une fois, à des moments différents. C’est un processus assez étrange, parce que en bout de ligne, il faut faire sonner ça comme si c’était un groupe dans une pièce. Ce n’est pas évident.

Si je comprends bien, les tracks de guitare n’ont aucunement été altérées. Elles sont exactement comme Piggy les avait enregistrées?

Tel quel, et encore plus que sur KATORZ. Sur KATORZ, on avait réamplifié les pistes, mais sur le nouvel album, on ne l’a pas fait. Denis Bélanger a beaucoup insisté. Il voulait que ça sonne comme le laptop, comme Denis dans son appart. On ne les a donc pas réamplifiées, on les a prises telles quelles. Mais c’était très peaufiné. Il avait fait plusieurs pistes. Il avait fait des solos. Des fois ça me fait penser qu’il s’était peut-être dépêché professionnellement de tout faire, parce qu’il sentait que quelque chose n’allait pas. Je ne le sais pas. C’était finalisé, plus que l’on s’en attendait.

Pour l’enregistrement, vous avez fait ça dans le studio de Jason [ex-Metallica]? J’ai lu qu’il avait mixé l’album. Est-ce que d’autres personnes ont été impliquées à d’autres étapes de la production? Glen Robinson, par exemple?

Glen a tracké le drum et le vocal. La basse a été faite à San Francisco avec l’ingénieur avec qui on avait fait le premier album avec Jason, VOIVOD [].

C’est finalement Jason qui a fait la basse sur l’album? J’ai cru lire à un moment que vos anciens bassistes, Jean-Yves «Blacky» Thériault et Eric Forrest, allaient se partager la tâche?

Ce qui est arrivé, c’est que j’étais supposé de faire les pistes de drum au début de 2008. À ce moment-là, Jason avait eu une opération et il n’était pas disponible pour faire toutes les pièces. On s’était dit que ça pourrait être intéressant s’il avait fait 3-4 pièces, puis Blacky en aurait fait 3-4, puis Eric Forrest aussi. Mais avec les spectacles qui ont été bookés, il a fallu retarder la session de drum à la fin de 2008. Rendu là, Jason était complètement remis de son opération. Vu qu’il avait participé à l’élaboration des pièces en 2004, il voulait vraiment essayer de toutes les faire. Sinon, on serait retourné au plan A. Finalement, il a réussi à toutes les faire. Ça lui tenait à cœur. Il disait que l’album, c’était aussi son bébé. Mais bon, peut-être que dans un futur rapproché ou éloigné, on fera un album avec Dan Mongrain et tous les bassistes impliqués, je ne sais pas [rires]. Voïvod, c’est maintenant une grande famille et c’est ça qui est le fun.

Votre bassiste en spectacle est Blacky?

Oui. Là on fait une tournée de festivals avec Blacky, Dan Mongrain, Snake et moi. On se concentre surtout sur les pièces des six premiers albums, comme on avait fait l’année passée, mais là on a inclus deux pièces du nouvel album, parce qu’on veut quand même le prévoir.

Donc, il n’y a pas de chansons des albums sortis entre ANGEL RAT et INFINI?

En effet.

J’ai aussi cru comprendre qu’INFINI serait le dernier album de Voïvod. C’est vraiment le cas? Pourquoi?

Ce n’est rien de sûr encore. Il y a quand même une forte possibilité. J’aimerais ça continuer de travailler sur des projets avec Voïvod le plus longtemps possible. Je ne sais pas. Je sais que c’était écrit dans le communiqué. Mais ça revient plus à comme je le disais tantôt. Je vais le prendre plus au jour le jour, comme j’ai toujours fait avec Voïvod. Cette année, on a tellement de travail juste avec les festivals et la promotion d’INFINI, que c’est plus l’année prochaine que je vais me mettre à réfléchir à tout ça.

Tu disais plus tôt que musicalement, les gens t’ont dit qu’ils sentaient comme une différence entre KATORZ et INFINI. J’aurais tendance à être d’accord. Je sens d’ailleurs une certaine fluidité sur chacun des albums qui leur est propre. Qu’en penses-tu?

Je sens une différence entre INFINI et KATORZ. Je pense que le nouveau est un peu plus dark et peut-être un peu plus punk, mais c’est peut-être juste que dans ma tête, ce sont des sessions différentes, avec des ambiances différentes. KATORZ, on était en état de choc. C’était deux ou trois mois après le départ de Piggy. Je vois ça différemment. Pour INFINI, on avait eu le temps de se reconstruire et de se réénergiser. Je vois ça comme un album plus positif, même si les gens le trouvent plus dark. Je suis un peu d’accord, dans le sens qu’il est un peu plus intriguant comme album. KATORZ était peut-être un peu plus rock. C’est peut-être pour ça que Jason avait choisi ces chansons-là pour faire la basse dans le temps. Les dernières années où Jason était dans Metallica, c’était devenu très rock. Peut-être qu’il avait une préférence pour ça. Le nouvel album est peut-être un peu plus progressif.

Et KATORZ contenait aussi un peu plus de rage, par rapport à tout ce qui s’était passé avec Piggy?

Ah oui, ça s’est vrai par exemple. On était indignés. On trouvait que ce n’était pas juste, c’est vrai.

Côté textes, on retrouve les bonnes vieilles préoccupations environnementales de Voïvod. Je pense notamment à des chansons comme «Earthache» et «Global Warming». Même la pochette de l’album, avec le masque à gaz, semble y faire référence. C’est un thème qui vous tient particulièrement à cœur?

Oui, tout à fait. On se concentre pas mal toujours sur l’armement et l’environnement. Par périodes, il y avait des gens qui semblaient penser que c’était démodé, mais nous autres on a toujours insisté là-dessus. Mais là, c’est revenu. Avec l’Iran et la Corée du Nord, toute la question de l’armement est revenue dans l’actualité. On trouve ça important. On a toujours voulu avoir un contenu social. Mais c’est raconté à travers des histoires de science-fiction, pour rendre ça plus intéressant et moins prêchi-prêcha. Mais oui, nos textes touchent beaucoup le nucléaire et l’environnement.

J’avais déjà lu dans une vieille entrevue, dans les années 80, où vous faisiez beaucoup référence à l’aluminerie à Arvida, pour l’environnement…

Oui, ça, c’est vrai. Le Saguenay, c’est super beau. Mais c’est vrai que les usines de Price et de l’Alcan ont influencé nos compositions au tout début et c’est probablement resté dans notre signature.

De quoi parle une chanson comme «God Phones»? De religion? [PsyKo : je n’avais pas encore les textes!]

Non, pas nécessairement. Je pense que Snake voulait parler plus d’hallucination, de schizophrénie, de paranoïa que de religion comme telle. Le procédé n’est plus comme dans le temps, où j’écrivais un concept et tout ça. Depuis que Snake est revenu dans le band au début des années 2000, j’insiste pour qu’il écrive ses propres histoires parce que je ne veux pas répéter les erreurs de l’époque où Snake se faisait dire de quoi parler. Ce n’est pas comme ça que je veux fonctionner et lui non plus, j’en suis certain. Il écrit sur ses préoccupations. Je lui donne des idées une fois de temps en temps. Quand je trouve des trucs de conspiration sur Internet qui peuvent stimuler l’imagination, je lui en parle. Je sais que Jason lui donne souvent des poèmes et de l’écriture automatique, mais c’est Snake qui écrit ses propres textes. Et il s’influence beaucoup de la musique aussi.

Qu’est-ce qui se passe à la fin de la chanson «Volcano»? Dois-je craindre des messages subliminaux?

[rires] Je ne penserais pas. Snake et Jason aiment ça déconner comme ça entre les chansons ou à la fin des chansons. Ils en ont fait une habitude, on dirait. Je trouve ça comique, personnellement. Ce n’est pas très sérieux. On avait fait quelques expériences comme ça, je pense que c’était sur «Flying Cigar» en 2003. C’est le côté Jason qui ressort, ça.

Le masque à gaz en couverture de l’album, j’ai cru comprendre que c’est une œuvre que tu avais réalisée pour un documentaire de Jean-Marc E. Roy?

En fait, c’est un docu-fiction qui s’appelle PANORAMA. J’avais fait ça pour l’affiche et la couverture du DVD. C’est un film de 22 minutes. Les compagnies de disques ont vraiment aimé ce masque à gaz là et ça a fini par être la pochette. Ça fait un peu Motörhead dans le fond. Ce sont mes influences Motörhead qui refont surface.

J’ai lu que le groupe travaillait sur un court vidéo de type «making of» d’INFINI. À quoi doit-on s’attendre?

Juste un petit clip comme on avait fait pour KATORZ, encore avec Sam Dunn, qui a fait Global Metal, Metal A Headbanger’s Journey et le dernier film sur Maiden. C’est lui qui nous aide à faire ces petits clips-là. Il a fait des entrevues avec des amateurs de Voïvod, comme Dave Grohl. C’est un petit kit de promotion qui sera en ligne. Tout ça pourrait aussi faire éventuellement partie d’un documentaire. C’est juste que ça coûterait un peu cher pour le finaliser. Si on avait des subventions, on serait capable de le finaliser. Il est presque à moitié achevé. Il y a énormément de matériel qu’il faudrait éditer et monter. C’est vraiment une question d’argent, comme pour la plupart des projets de Voïvod. Ça prend toujours deux ou trois ans pour les réaliser, parce qu’au fur et à mesure qu’on a de l’argent, on l’investit dans nos projets. Ça peut être long des fois. C’est autoproduit en général.

C’est assez incroyable tout ce que fait Sam Dunn pour le métal depuis quelques années. Ces deux documentaires sont vraiment excellents.

Il est en train de remettre le métal sur la mappe à lui tout seul, c’est vraiment incroyable. Il faut lui donner ça. Je n’ai pas encore vu son film sur Iron Maiden, mais je suis convaincu que c’est aussi bien intéressant.

Tu as publié un livre d’art, intitulé «Worlds Away» [www.voivodbook.com]. Parle-moi de ce qu’il contient…

On y retrouve tout, en fait plus que tout. En plus d’avoir les t-shirts et les pochettes, les trucs que j’ai faits pour les vidéos. Il y a les sketches qui sont faits en tournée ou en studio. Il doit y avoir 500 dessins ou quelque chose comme ça. Il y a du texte aussi, tiré d’entrevues que j’ai faites avec Martin Popoff, et des entrevues avec d’autres gens du milieu métal, qui sont des amateurs de Voïvod. Les dessins, ça part d’aussi loin que 1976, quand j’étais à l’école et que je commençais à créer la mythologie Voïvod sur des feuilles quadrillées [rires]. Ça finit en 2008. Ça couvre vraiment toute la carrière et toute la mythologie Voïvod [PsyKo : pour votre culture, selon Wikipédia : Le Voïvod est un chevalier-vampire-androïde de l’ère postnucléaire. Inspiré d’une légende transylvanienne, cet antihéros est sorti tout droit de l’imaginaire de Away, le batteur, auteur et illustrateur du groupe. Le personnage Voïvod évolue et se métamorphose d’un album à l’autre]. On a fait 3000 copies de très bonne qualité. On va voir à partir de là si on les vend tous, on fera une deuxième édition. Mais si j’en vends 3000 copies, je serai déjà très content.

Je le mets sur la liste de cadeaux de fête et ma fête est juste en décembre. J’espère qu’il va en rester jusque-là!

[rires] Inquiète-toi pas, c’est quand même assez underground. Ça va prendre au moins un an pour vendre 3000 copies, je suis pas mal sûr…

Parlons deux minutes de toi. Outre Voïvod, tu es dans d’autres projets. Il y a les Ékorchés. C’est un beau trip de chums ça…

Oui, c’est un super trip. Vu que ce sont des gens impliqués dans d’autres groupes, on ne fait pas énormément de spectacles. En plus que je suis de moins en moins disponible. C’est un beau trip de métal en joual. J’adore ça.

As-tu d’autres projets? Qu’advient-il de Aut’ Chose? Kosmos?

Peut-être un deuxième Kosmos. Je fais aussi beaucoup de concerts avec Martin Tétreault, qui est dans un milieu plus avant-garde. C’est plus de l’improvisation. Peut-être qu’on va travailler sur un album de Aut’ Chose, mais ce n’est pas sûr encore. On va voir comment ça va aller.

Tu n’étais pas impliqué dans le projet de Snake, Paranoland?

Non. Snake y travaille encore avec une gang de chums. Je pense que ça ne s’appelle plus Paranoland, mais il se tient occupé aussi musicalement de son côté.

Pour finir ça, je voulais aborder le show du 4 juillet à Ville Saguenay avec Death Dealer. Ça va faire combien de temps que vous n’avez pas joué à Jonquière?

La dernière fois, c’était il y a dix ans avec Grimskunk au Stade Desmeules. Ça fait un sacré bout de temps. En plus, c’est comique, parce qu’on va à la Place Nikitoutagan, où on a fait notre tout premier show en 1983. C’est le grand retour!

Death Dealer, ça remonte pas mal à votre époque aussi, ça…

Ça remonte à 1983 ou 1984 comme nous. Ils étaient là au tout début de Voïvod. Eux, ils étaient un peu les Iron Maiden et nous, les Venom [rires].

VOIVOD [2009]

Denis «Snake» Bélanger, voix

Jason «Jasonic» Newsted, basse

Michel «Away» Langevin, batterie

Denis «Piggy» D’Amour, guitare [RIP]

Musiciens live

Jean-Yves «Blacky» Thériault, basse

Daniel Mongrain, guitare

Site officiel

Metal Archives

Photo: Jozo_Palkovits

Photo: Jozo_Palkovits

J’ignorais avec quelle entrevue lancer officiellement le blogue. Je savais que ce serait avec un groupe culte, mais j’en ai interviewé quelques-uns dans les cinq années de l’aventure ARSENIC. Puis, cette semaine, en voyant passer des messages de Jonathan Hudon sur Facebook à propos de Hellhammer et de Celtic Frost, me rappelant à quel point j’avais adoré mon entretien avec Martin Ain et surtout, l’album Monotheist, je me suis dit que ce serait un bon choix. L’entrevue remonte à 2006. Elle est parue dans l’édition #5 (Automne 2006). Celtic Frost n’existe plus (pour le moment!) et Monotheist pourrait bien être leur dernier album en carrière. Bonne lecture!

Par Martin Guindon

C’est un peu par hasard que j’ai accepté de faire une entrevue avec Celtic Frost. On m’en a offert l’opportunité alors que toutes les entrevues pour ce numéro étaient décidées et j’ai finalement saisi l’occasion de parler avec une légende vivante, sans savoir si ça allait être Tom G. Warrior ou Martin Ain. J’ai connu Celtic Frost avec le clip de «Circle Of The Tyrants», diffusé à Solidrok à l’époque… une sorte de show avec full stroboscope et le logo de Celtic Frost qui ressort en arrière. Un peu surréaliste pour un non-initié. Puis, j’ai découvert Hellhammer en entendant une chanson d’épouvante à l’émission de radio Métal Militia (animée par notre cher Tower of Death) dans les mêmes années. J’ai adoré l’album INTO THE PANDEMONIUM, et découvert plus tard les MORBID TALES et TO MEGA THERION. J’ai décroché avec COLD LAKE. L’ambiance froide que j’aimais tant venait de disparaître au profit d’une sorte de glam métal fucké. Mais, bon, revenons en 2006. MONOTHEIST marque le retour de Celtic Frost et c’est un retour solide. Pas un chef d’œuvre, mais rien qui ne vienne entacher la réputation du groupe. Beaucoup de questions me viennent à l’esprit et cette entrevue se prépare assez facilement, avec notamment le concours de Tower. Rendez-vous téléphonique donc à 15 h, le 23 août. 15 h 15, rien. 15 h 30 toujours rien. J’envoie un courriel à la personne responsable de l’entrevue. Martin est pris dans une autre entrevue, il m’appelle dès qu’il a fini. Ça sonne vers 16 h. C’est lui. Et l’attente en valait la peine. Martin Ain s’est montré particulièrement sympathique et généreux. Voyez par vous-mêmes.

Avant même de parler du nouvel album et de la tournée, je voulais profiter de l’occasion pour parler un peu du passé. Quand vous vous êtes lancés dans Hellhammer, Tom et toi, existait-il seulement une scène métal en Suisse, outre peut-être le groupe Krokus?

Outre Krokus et tous ces groupes qui voulaient être des Krokus, tu veux dire. Parce que tout ce que nous avions comme scène de métal underground à l’époque était constitué de groupes qui voulaient sonner comme Krokus ou encore Scorpions. Des groupes plus heavy comme Iron Maiden et Motörhead étaient vus comme des parias à l’époque. Ils ont vraiment commencé à être pris au sérieux avec NUMBER OF THE BEAST et ACE OF SPADES. Mais les débuts du thrash, du death ou du black étaient totalement ignorés. Les gens riaient tout simplement de nous et de notre musique. Nous étions des pionniers de notre genre dans notre pays.

Tu étais dans Hellhammer avec Tom dès les débuts?

En fait, il a commencé sans moi. Dans les débuts, il y avait le batteur Bruce Day, qui n’était pas le premier batteur, mais celui qui jouait sur le premier démo. Il y avait aussi Steve Warrior, le prétendu frère de Tom. Ils étaient les fondateurs de Hellhammer. Mais j’ai joint peu de temps après la réalisation du premier démo. J’ai remplacé Steve à la basse.

Le groupe a fini par se séparer et de ses cendres est né Celtic Frost, en 1984?

Oui, après l’enregistrement de notre premier EP, APOCALYPTIC RAIDS (Noise, 1984), Hellhammer avait complété sa vie utile pour nous.

Celtic Frost a sorti un premier EP de six chansons en Europe, MORBID TALES. Étrangement, le même album comprenait deux chansons de plus en Amérique (merci Tower!)?

Oui, il comptait en effet huit chansons dans sa version américaine, parce que la compagnie de disque là-bas voulait absolument en faire un long jeu.

Et la version originale européenne de MORBID TALES, étrangement, ne contenait même pas la chanson titre, alors qu’ici en Amérique, nous l’avions sur l’album? Pourquoi?

Oui, c’est vrai. La compagnie de disque à l’époque croyait qu’il était plus astucieux de sortir des EP, après le succès d’APOCALYPTIC RAIDS en Europe. Ils ont préféré conserver des chansons pour pouvoir les mettre sur des compilations ou encore sur un autre EP qui suivrait MORBID TALES. Aux États-Unis, la compagnie de disque croyait qu’il était mieux de sortir un album complet. En Europe, nous avons envoyé trois nouvelles chansons enregistrées avec notre nouveau batteur de l’époque, Reed St. Mark (ex-Mindfunk), aux gens de la compagnie de disque parce qu’ils voulaient l’entendre à l’œuvre. Nous avions eu tellement de difficultés à trouver un batteur adéquat. Ils les ont aimées et en ont fait un nouvel EP de cinq chansons, THE EMPEROR’S RETURN (Noise, 1985), avec «Circle Of The Tyrants», «Visual Aggression» et «Suicidal Winds» ainsi que les deux chansons qui n’étaient pas sur le premier EP («Morbid Tales» et «Dethroned Emperor»).

Est-ce que c’est à ce moment que le groupe a pris son envol? Je me rappelle avoir vu un vidéo pour la chanson «Circle Of The Tyrants» à l’époque…

Non. La version de «Circle Of The Tyrants» pour laquelle nous avions fait un clip était celle que l’on retrouve sur l’album TO MEGA THERION (Noise, 1986). C’est là qu’on a vraiment pris notre envol. Avec MORBID TALES, plusieurs journalistes de la scène métal croyaient toujours que Celtic Frost était tout simplement Hellhammer avec un nom différent, même si pour nous, ça ne l’était vraiment pas. Nous avions une approche totalement différente avec Celtic Frost. TO MEGA THERION, avec la pochette de Giger, nous a vraiment propulsés à l’avant-scène du métal underground.

Pourquoi n’étais-tu pas sur cet album classique?

J’ai rejoint le groupe immédiatement après la réalisation de l’album. En fait, j’ai participé au réenregistrement de trois chansons pour l’album (NDLR : il est crédité de la basse sur les chansons «The Usurper» et «Jewel Throne»). J’avais des problèmes personnels majeurs à cette époque. J’habitais encore à la maison avec mes parents, qui ont commencé à comprendre que mon rêve de devenir un musicien de rock était en train de se réaliser. Ça a créé de très fortes tensions chez moi, parce que mes parents n’étaient pas d’accord du tout avec l’idée. Ce fut vraiment laid. Il faut quand même préciser qu’en 1984, j’avais 16 ans. À la sortie de TO MEGA THERION, j’allais avoir mes 18 ans. Ce fut une période difficile et j’ai dû me retirer momentanément du groupe. Ils m’ont donc remplacé en studio (NDLR : par Dominic Steiner), ce qui n’a pas vraiment bien fonctionné. Mais j’ai quand même été fortement impliqué dans la conception de cet album. Le titre est de moi. L’idée de mettre la peinture de Giger (NDLR : intitulée «Satan». HR Giger est un peintre surréaliste suisse) sur la couverture de l’album était la mienne. J’ai écrit certaines musiques et des textes, dont ceux de «Dawn Of Meggido» et «Necromantical Screams».

Tu viens de parler de la toile de HR Giger qui illustre la pochette de l’album. Ce fut vraiment une idée de génie…

Giger était assez bien connu de la scène métal à l’époque. Il avait remporté un Oscar pour le film «Alien» et tout le monde avait vu cet excellent film. C’était un des films d’horreur ou de science fiction les plus marquants. Pour nous, c’était vraiment prestigieux de pouvoir utiliser son art pour illustrer un album. Il nous avait laissé gratuitement les droits sur cette œuvre à l’époque de Hellhammer. Mais on n’avait pas voulu l’utiliser, parce qu’on ne sentait pas que notre musique en était encore digne. On sentait que l’œuvre d’art était fort supérieure à notre musique. On s’est dit qu’on devrait d’abord améliorer notre musique avant de l’utiliser. Il fallait que notre musique soit à la hauteur de cette œuvre. Et pour nous, il était clair que la musique sur TO MEGA THERION l’était. La seule chose que Giger ne voulait pas, c’était qu’on utilise l’image sur la marchandise commerciale, comme les t-shirts, etc. Mais on pouvait l’utiliser pour faire la promotion de l’album.

En regardant la pochette de cet album, on ne peut s’empêcher d’être nostalgique de l’époque du vinyle, qui offrait tellement de possibilités d’un point de vue artistique.

Tout à fait. C’est aussi mon avis. Voilà une des nombreuses occasions où l’industrie du disque s’est vraiment tirée dans le pied. C’est l’une des raisons pour lesquelles les gens achètent moins de disques de nos jours. Un disque, c’est devenu un simple produit à consommer, en version numérique et digitale. Le format CD n’a certes pas aidé. Plusieurs personnes achèteraient encore des vinyles juste pour le travail artistique de nos jours. C’est beaucoup plus près de la qualité d’une peinture. Je préfère la version vinyle de cet album à celle en CD, et de loin.

On n’a pas travaillé pendant quatre ans pour créer cet album, pour ensuite tourner pendant pratiquement toute une année juste pour laisser tout ça dormir ensuite. L’idée ici, c’est que Celtic Frost est de retour!

Qu’est-ce qui explique selon toi que Celtic Frost ait ainsi explosé au milieu des années 80 sur la scène métal extrême?

Je crois que c’est parce que nous faisions notre propre affaire. Tout comme Slayer et quelques autres groupes à cette époque, on proposait quelque chose de différent de tout ce qui pouvait se faire alors. Nous étions au bon endroit, au bon moment, à créer la bonne musique. Plusieurs facteurs sont entrés en ligne de compte.

Vous avez ensuite sorti mon album préféré de Celtic Frost, INTO THE PANDEMONIUM (Noise, 1987). Déjà à cette époque, il était clair que le groupe n’allait pas faire deux fois le même album. Était-ce intentionnel ou tout simplement naturel?

C’était naturellement intentionnel (rires). On voulait définitivement faire les choses différemment à chaque album, mais sans trop savoir ce que nous voulions vraiment faire. On expérimentait beaucoup et c’est ce qu’on retrouve en partie sur cet album. Par exemple, quand on a commencé à créer «One In Their Pride», on n’avait absolument aucune idée de ce qu’elle allait devenir à la fin du processus. Nous essayions des affaires alors que nous avancions. On découvrait des choses. Nous avons été parmi les premiers à utiliser un clavier avec de l’échantillonnage. C’était un Yamaha avec un taux d’échantillonnage de trois secondes. Peux-tu imaginer cela? Nous avons alors réalisé à quel point il pouvait être difficile de mettre ça sur les rubans et éditer tout ça. Nous n’étions pas à l’ère du numérique et de l’informatique. Il nous fallait un ordinateur et à cette époque, le seul qui possédait une interface midi était l’Atari. Quand nous avons apporté l’échantillonneur et l’ordinateur au studio en Allemagne (NDLR : le même utilisé pour enregistrer MONOTHEIST, à Hanovre), pour les brancher à la console de son… l’ingénieur de son et notre coproducteur nous ont regardé avec un air vraiment ahuri. Ils n’avaient jamais vraiment vu un ordinateur. Les premiers logiciels pour faire du travail en studio sortaient à peine et plusieurs techniciens n’avaient encore jamais travaillé avec ça. On expérimentait donc très librement. Il y a des choses qu’on a simplement essayées pour voir ce que ça donnerait et si on les aimait, ça se retrouvait sur l’album.

Prendre des risques… ça m’amène à ma prochaine question. En 1988, vous avez sorti COLD LAKE (Noise, 1988) tout droit du champ gauche.

Je crois que ça s’explique essentiellement par le fait qu’il ne restait que Tom du noyau original du band. Reed et moi avions quitté. Il avait ramené Steve (Priestley, batterie), qui jouait sur MORBID TALES. Nous ne l’avions pas gardé parce qu’il n’avait jamais voulu s’investir complètement dans le groupe et je crois qu’il avait laissé Tom agir pas mal à sa guise pour COLD LAKE, sans rien n’y apporter sur le plan créatif. Il était un excellent musicien, mais pas un créatif. Les deux autres musiciens écrivaient de la musique abominable. Je crois que le problème était surtout là pour COLD LAKE. L’album comprend des bonnes chansons. Je n’avais pas vraiment de problèmes avec l’image, qui était la décision de Tom. Ça n’aurait pas été MON style, je serais allé totalement à l’opposé. Mais je crois que c’est vraiment au niveau de la composition que cet album a manqué. Nous en avons joué certaines chansons en spectacle lors de la tournée pour VANITY/NEMESIS (Noise, 1990). Mais d’autres chansons sont tout simplement abominables. Je crois que Tom a beaucoup plus de misère avec cet album que moi je peux en avoir. Il faudrait lui demander son avis, mais il a déjà déclaré en plusieurs occasions que COLD LAKE, c’était de la grosse merde. Je crois que ce qu’il a pu réaliser avec cet album, c’est que Celtic Frost n’était pas que son affaire sur le plan créatif, mais la mienne aussi. C’est pourquoi il m’a demandé de revenir pour VANITY/NEMESIS, mais je crois que dans ce cas-ci, j’ai joint le groupe un peu trop tard. La plupart du travail d’écriture était déjà effectué et je n’ai pu qu’apporter une faible contribution. Et je ne l’ai pas vraiment fait correctement, parce que je vivais beaucoup d’insécurité à l’époque. J’ai eu du mal à m’investir dans cet album, que je trouve quand même correct, mais il y avait encore des faiblesses au niveau de l’écriture. Tom et Curt (Bryant, guitare) n’ont pas été assez aventureux. Ils avaient tellement peur de manquer leur coup à nouveau comme sur COLD LAKE, qu’ils ne voulaient plus prendre de risques. La production faisait aussi défaut. Je crois que c’est un bon album métal, mais qui n’a pas vieilli aussi bien que TO MEGA THERION ou INTO THE PANDEMONIUM. Je crois que «Phallic Tantrum» et «Third From The Sun» étaient de bonnes chansons et on pourrait les jouer aujourd’hui avec d’autres chansons comme «Return To The Eve» sans problème.

Je crois que ce que Tom a pu réaliser avec COLD LAKE, c’est que Celtic Frost n’était pas que son affaire sur le plan créatif, mais la mienne aussi.

Et qu’est-ce qui a finalement mené à la séparation de Celtic Frost, en 1990?

Nous étions complètement vidés. Nous étions épuisés en tant que groupe. On ne parvenait plus à recréer l’unité au sein du groupe sur le plan créatif. Nous avons essayé avec VANITY/NEMESIS, mais sans succès. On la jouait trop «safe» et une des raisons pour ça, c’est qu’on ne jouait plus vraiment ensemble. Il n’y avait plus suffisamment de frictions entre nous. Tom voulait faire des choses différentes. Pour ma part, j’avais besoin de temps pour me retrouver et savoir ce que je voulais faire de ma vie. C’est la raison pour laquelle on a tout arrêté. En 1992, Tom a essayé de relancer Celtic Frost avec Curt et Reed. Ils ont fait des démos. Mais il en était arrivé à la conclusion que ça n’allait pas marcher, alors il a mis tout ça de côté.

Pendant cet arrêt, Tom a travaillé à son projet Apollyun Sun?

Oui. Il a sorti deux albums avec Apollyun Sun. Il s’est aussi penché sur l’écriture d’un livre sur ses souvenirs de Celtic Frost, intitulé «Are You Morbid?» Pour ma part, après avoir passé une couple d’années à me chercher, j’ai lancé des entreprises. J’ai organisé des concerts à Zurich. J’ai eu des clubs. J’ai dû organiser quoi… entre 400 et 500 shows à Zurich en dix ans? Pas nécessairement du métal, mais beaucoup de punk, du hardcore, du crossover et du rock n’ roll garage.

Quand et comment l’idée de reformer Celtic Frost vous est-elle venue?

C’est une idée qui nous a toujours trotté derrière la tête. On se demandait toujours comment les choses iraient aujourd’hui, ou pourquoi Celtic Frost avait foiré… parce que ce fut une partie importante de nos vies pendant notre jeunesse. En 1999, nous avons été approchés par notre ancienne compagnie de disque pour travailler à la réédition de nos vieux albums. Tom et moi nous sommes retrouvés et on s’est à nouveau demandé à quoi ressemblerait Celtic Frost de nos jours. Serait-il seulement possible de relancer le groupe? S’agissait-il de quelque chose qui était propre à une époque et qu’on ne pourrait faire revivre? Il nous est alors apparu clairement que le feu brûlait toujours et qu’il n’en tenait qu’à nous, si on voulait raviver la flamme.

Alors, vous vous êtes assis et vous avez composé le matériel pour un nouvel album?

On a commencé par s’asseoir et discuter. Et pour un bout de temps en plus. Ensuite on a commencé à écrire et à jouer de la musique. Puis, on a cherché les bons musiciens pour ce faire. D’abord, on a cru qu’on pourrait le faire avec Reed, mais ça n’a pas fonctionné pour différentes raisons. Le timing n’était pas bon pour lui. Nous avons déniché Franco (Sesa, batterie), puis Errol (Unala, guitare) que Tom avait apporté de Apollyun Sun. Mais plus Celtic Frost prenait forme, plus on se rendait compte que Errol n’était peut-être pas la personne idéale finalement. Je crois que Errol a aussi réalisé la même chose, mais ce fut néanmoins difficile de le laisser aller parce que nous avions travaillé avec lui pendant trois ans. Il n’a pas fallu quatre ans pour écrire des chansons, mais bien pour former à nouveau un groupe et ensuite écrire des chansons.

Quel fut le processus de création, justement?

Nous avons pris une approche très libérale, encore plus que pour INTO THE PANDEMONIUM. On a œuvré avec tous les moyens possibles. Des chansons ont commencé par seulement une ligne de chant, sur laquelle on a ensuite développé une harmonie à la guitare et qui est devenue «A Dying God Coming into Human Flesh». D’autres chansons ont pu être écrites au clavier, ou à l’ordinateur, puis retranscrites pour chaque instrument, où elles ont ensuite vraiment pris forme. C’est comme ça qu’on a composé «Ground» par exemple. Nous étions donc complètement ouverts dans notre approche et nous avons pris notre temps. Nous avons réécrit des chansons trois ou quatre fois. Et on n’ajoutait pas des choses, mais on n’en enlevait. Nous avons réalisé que moins, c’est mieux (NDLR : «Less is more»). C’est devenu notre maxime, notre credo. On s’est dit qu’il fallait ramener les choses à leur essence même. Distillons le tout et essayons de découvrir ce qu’est vraiment l’essence de cette chanson. Quelle est l’émotion qu’elle contient, et y mettre l’accent. Plus de notes ne font pas nécessairement une meilleure chanson.

Et je crois bien que émotion est un mot clé pour Celtic Frost, n’est-ce pas? Particulièrement sur MONOTHEIST…

Tout à fait. En fait, je pense que chaque album de Celtic Frost qui était vraiment bon et qui s’est avéré durable, c’était ceux qui étaient personnels et émotionnels. Les vieux albums qui avaient vraiment une partie de nous dans leur musique. Nous avons constaté que VANITY/NEMESIS était un bon album, mais qui n’avait pas vraiment cette dimension émotionnelle. Cet album a été créé davantage sur une base intellectuelle que émotionnelle. Comment cet album devrait-il sonner? Que devrions-nous faire à ce moment-ci? Blah, blah, blah, tu sais? Avec MONOTHEIST, ce sont les émotions qui ont primé. Quand nous avons débuté, nous n’avions pas de compagnie de disque. On l’a fait à nos frais et ça ne regardait que nous. Après une journée de travail, on allait au local de répétition et on écrivait des chansons tout en essayant de redevenir un groupe. Il y avait beaucoup d’émotions dans ce processus. Nous avons rencontré plusieurs difficultés, des problèmes personnels… plusieurs squelettes sont sortis des placards pendant la création, en lien avec nos relations, entre Tom et moi par exemple… tout ça s’est manifesté dans notre musique sur cet album. Je crois que c’est certes l’album le plus sombre et le plus personnel que ce groupe n’a jamais produit.

J’imagine que les textes sont aussi reliés à toutes ces émotions…

Pour la plupart, oui. Certaines à un niveau plus personnel et d’autres, à un niveau disons plus abstrait. Je crois que c’est d’ailleurs, à cet effet, l’album le plus intime que le groupe n’a jamais écrit.

Où vouliez-vous en venir musicalement avec cet album? Parce qu’à l’écoute, on sent bien que vous allez dans plus d’une direction.

On n’a rien fait de vraiment conscient. Quand on a commencé à travailler sur l’album en 2001, on a juste écrit les choses qui nous venaient à l’esprit. On a écrit du matériel pour deux albums et demi, peut-être trois, pendant ces quatre ou cinq ans. Nous avons dû jeter au moins 20 chansons, particulièrement ce qui est sorti des deux premières années. Nous avons écrit 13 chansons que nous avons finalement laissé tomber. Des idées que Tom et Errol ont apportées et qu’ils avaient peut-être déjà avec Apollyun Sun, mais qui ne fittaient pas avec leur projet. Il y avait des idées que je trimbalais depuis des années et qui n’étaient finalement pas adéquates pour Celtic Frost. C’était de bonnes idées, qui feraient peut-être de bonnes chansons, mais qui n’auraient sans doute pas marché pour Celtic Frost. Nous avons découvert que plus nous écrivions, plus on découvrait le véritable propos de ce groupe de nos jours. On réalisait en même temps qu’on voulait une certaine variété sur l’album. Une sorte de paysage émotionnel. Un reflet de nos vies et non l’expression d’une seule émotion. La vie humaine contient son lot d’émotions différentes et c’est ce qu’on voulait reproduire. Il nous a fallu quatre ans pour refaire ce groupe et créer un album. Normalement, en quatre ans, un groupe de heavy métal va produire trois albums et faire quatre tournées. Ça démontre un peu l’ampleur du processus. On te ferait entendre certaines chansons et jamais, tu ne devinerais qu’il s’agit de Celtic Frost. Par moment, nous étions particulièrement expérimentaux. Certaines d’entre elles ont bien failli se rendre sur l’album. On s’est dit qu’on devrait peut-être les inclure, mais bon, finalement, elles ne faisaient tout simplement pas l’affaire. Nous avons toutefois inclus une de ces chansons en tant que bonus sur la version en vinyle de l’album, intitulé «Incantation Against You». As-tu déjà entendu cette chanson? (Non.) OK. C’est la première chanson entièrement a capella de Celtic Frost. Il y a un chœur masculin en appui à une chanteuse (NDLR : Simone Vollenweider, qui a souvent chanté en studio pour CF) qui interprète un texte inspiré d’écrits mésopotamiens sur les rituels du bannissement et du «Maklu», un texte tiré du Necronomicon que nous avons traduit en anglais. C’était strictement une expérience, quelque chose de complètement différent, et nous l’avons inclus comme chanson bonus parce qu’on ne sentait pas qu’elle pouvait aller sur le CD. Nous avons aussi écarté d’autre matériel comme cela. L’album fait quoi? 73 minutes? C’était déjà assez long.

L’album est paru sur Century Media. Vous n’avez pas dû avoir beaucoup de mal à trouver une maison de disque pour sortir MONOTHEIST…

En fait, c’est une licence pour le monde entier. Nous avons tout financé pour pouvoir tout faire par nous-mêmes. Nous avons embauché et payé Peter Tagtgren. Tout le processus créatif a été réalisé à nos frais, selon nos propres termes. On ne voulait surtout rien donner à l’industrie du disque. Il y avait beaucoup d’intérêt de la part de compagnies de disque, surtout celles spécialisées dans le métal, évidemment, et plusieurs d’entre elles voulaient tout avoir. Nous sommes déjà passés par là et ça ne nous intéressait pas du tout de revivre ça. Ou bien vous acceptez de travailler avec nous en tant que partenaires, ou on ne travaillera pas ensemble. Et ça a très bien fonctionné avec Century Media.

Vous avez choisi Peter Tagtgren pour cet album et il a fait tout un travail ici. Pourquoi l’avez-vous recruté et surtout, lui a-t-il fallu plus d’une seconde pour accepter?

Il est venu en Suisse, à Zurich, après une tournée américaine. Nous nous sommes assis ensemble au local de répétition. Nous lui avons fait entendre tout le matériel que nous avions, les démos, etc. Nous avons parlé de l’album et il a finalement accepté. Il voulait d’abord savoir dans quelle direction Celtic Frost s’en allait… ce qui était d’ailleurs une question sur toutes les lèvres. Avec Celtic Frost, ce n’est pas comme avec Motörhead. Je veux dire, tu sais toujours à quoi t’attendre avec Motörhead, mais pas avec Celtic Frost. En fait, tu sais que tu n’auras pas ce à quoi tu pourrais t’attendre. Quand il a entendu le matériel, il a accepté le job. Nous l’avions choisi parce qu’on voulait quelqu’un qui réalisait d’où on venait et ce qu’est Celtic Frost dans l’univers métal. Peter a grandi en écoutant du Celtic Frost. C’était un des groupes avec lesquels il a appris à jouer de la guitare et qui l’a inspiré pour la musique qu’il a créée avec Hypocrisy. On voulait quelqu’un qui était aussi un créatif, et non un simple technicien, producteur ou ingénieur. Quelqu’un qui sait à quel point le processus créatif peut être exigeant et difficile. On savait qu’on allait vivre beaucoup de catharsis en studio et qu’il y aurait beaucoup d’émotions. Ça n’allait pas être un enregistrement facile ou joyeux. Et je crois que ça transparaît dans la musique sur l’album. Il nous fallait donc quelqu’un capable de nous aider à traverser tout ça dans le studio. Peter s’est avéré le choix parfait. Ah oui, il fallait aussi un producteur accompli, capable de travailler avec tout l’équipement moderne qu’on retrouve aujourd’hui dans un studio. Peter a apporté tout ce dont nous avions besoin. Je crois qu’il n’a pas été facile de travailler avec nous, mais qu’il aime lui aussi le résultat final.

Tu as dit que personne ne savait vraiment à quoi s’attendre d’un nouvel album de Celtic Frost. Vous deviez savoir que des fans old school allaient détester l’album, peu importe ce que vous alliez sortir, et crier au sacrilège. Est-ce un poids insupportable que de devoir vivre à la hauteur de sa propre légende, ou bien vous n’en aviez rien à foutre?

On s’en foutait éperdument. On a essayé de laisser notre héritage intact en évitant justement de copier bêtement ce que nous avions fait à l’époque. L’idée de sonner comme TO MEGA THERION ou MORBID TALES, ou encore d’être aussi avant-gardistes que sur INTO THE PANDEMONIUM ne nous a même pas effleuré l’esprit. Ce sont des temps nouveaux. On ne peut plus être aussi innovateurs que nous avions pu l’être à l’époque. Il n’y avait rien dans ce temps-là! Aujourd’hui, il existe tellement de genres, de sous-genres et de niches dans ces sous-genres… et de groupes qui ont pratiquement tout expérimenté sur le plan musical. Ce serait vraiment difficile. Certains ont expérimenté avec les instruments médiévaux, d’autres ont ajouté de l’électronique. La musique métal, en ce moment, est aussi diversifiée qu’elle ne l’a jamais été. On retrouve une foule d’influences, que ce soit le punk, le hardcore, la musique classique… regarde Therion par exemple, avec ses orchestrations classiques. Donc, tout a été fait ou presque. On s’est dit qu’on n’avait même pas à essayer de refaire tout ça. On fait ce qui nous apparaît important pour nous, maintenant. C’est l’une des raisons qui nous ont poussés à créer, plutôt que de partir en tournée pour faire nos bons vieux hits et ainsi créer des attentes pour que le prochain album sonne comme une suite à TO MEGA THERION par exemple.

Tu as parlé de Reed St. Mark plus tôt. Il aurait pu rejoindre le projet, mais ce n’est pas arrivé. C’est la même chose pour Steve?

Nous n’avons jamais considéré Steve, parce qu’on savait qu’il ne serait pas vraiment intéressé. On veut se consacrer à 100% à ceci, à temps plein, et nous avons trouvé la personne idéale pour ce faire avec Franco. Il nous a fallu un peu de temps pour créer l’unité dans le groupe, mais là je pense que Franco est davantage un membre de Celtic Frost que tous les autres, à l’exception évidemment de Tom et moi, et peut-être aussi de Reed. Mais Franco prend son rôle plus à cœur au sein du groupe que Reed ne l’a jamais fait. C’est l’une des raisons qui expliquent que Celtic Frost est de retour parmi les vivants!

Vous serez à Montréal le 16 septembre. Ça fait quoi de remettre les pieds dans cette ville où vous avez pris part au légendaire Festival World War III…

C’était notre premier concert en sol nord-américain et quel spectacle ce fut. Les festivals métal étaient à peu près inexistants à cette époque. Jouer avec Possessed, Voivod, Destruction et Nasty Savage… c’était assez unique comme expérience. On avait passé du bon temps à Montréal, avec les gars de Voivod et Agression. Je garde d’excellents souvenirs de cet événement. Nous sommes ensuite partis pour les États-Unis pour une première tournée avec Voivod. Alors, j’ai été «entouré par Montréal» pendant des mois (rires).

Vous avez bien connu Piggy. Comment aviez-vous réagi à l’annonce de son décès?

Nous étions en studio quand c’est arrivé. Je fus très triste quand j’ai entendu la nouvelle, bien que je m’y préparais. On connaissait son état de santé. On savait qu’il combattait la maladie. Mais c’est toujours triste de perdre un bon musicien, qui était aussi un bel être humain qu’on a bien connu. Ça nous rappelle en même temps à quel point nous sommes petits et futiles dans cet univers. Piggy a créé de l’excellente musique et je crois qu’il a influencé plusieurs bons musiciens au fil des ans. Son patrimoine va subsister. Je suis curieux de voir comment le restant du groupe va poursuivre sans lui. Je ne crois pas que Snake et Away vont tout laisser tomber.

As-tu entendu le nouvel album?

KATORZ (The End, 2006)? Non, pas encore. Je l’ai commandé, mais je ne l’ai pas encore reçu. J’ai bien hâte d’entendre ça.

Revenons à la tournée. Quel type de setlist avez-vous concocté? Le choix n’a pas dû être facile… allez vous pousser davantage vos classiques ou les chansons du nouvel album?

On a pratiqué en «quarts». Le setlist devrait être un quart MORBID TALES, un quart TO MEGA THERION, un quart INTO THE PANDEMONIUM et un quart MONOTHEIST. C’est ce que les gens vont entendre durant cette tournée. Nous avons pratiqué plus de 110 minutes de matériel et on va en jouer de 80 à 90 minutes, ce qui nous laisse un peu de marge de manœuvre pour ne pas faire continuellement le même show. Des chansons clés seront évidemment de tous les sets. Pour cette tournée, nous allons nous concentrer davantage sur les classiques que nous ne le ferions normalement avec un nouvel album qui vient de paraître. Plusieurs personnes n’ont jamais vu/entendu «Circle Of The Tyrants» en concert. Même les gens qui nous ont vus en 1986 ou 1987 n’ont probablement jamais vu «Dawn Of Megiddo» ou «Necromantical Screams». Certaines chansons seront définitivement jouées pour la première fois en Amérique du Nord.

Oui, car ce sera votre première tournée ici en quoi, 16 ou 17 ans?

18 ans, en fait, si mes calculs sont exacts. C’est beaucoup de temps. Des gens qui seront au spectacle n’étaient même pas nés lors de notre dernière tournée chez vous. Nous ferons ensuite une tournée européenne.

Est-ce que tu sais si Apollyun Sun est toujours un groupe actif?

Non, je ne le crois pas en ce moment. Tom pourrait te dire qu’ils ne sont pas actifs et qu’ils ne le seront pas pour un petit bout. Et la séparation qu’on a vécue avec Errol risque de compliquer les choses. Lui et Tom devront s’asseoir ensemble et régler des affaires avant toute chose. Même si la séparation s’est faite à l’amiable, ces choses prennent du temps à se résorber. Néanmoins, Tom travaille sur du matériel solo… des choses qui n’ont rien à voir avec Celtic Frost. Non, attends, en fait ça l’a un peu à voir avec Celtic Frost, parce que ça sonne comme du Celtic Frost électronique et non du Apollyun Sun. Mais ça ne pourrait pas se retrouver sur album de Celtic Frost. Peut-être qu’on pourra entendre ce matériel dans quelques années, parce que pour le moment, notre centre d’intérêt à tous, c’est Celtic Frost.

Je dois comprendre que vous prévoyez faire un autre album?

Oui, absolument. On y travaille déjà. On écrit tous du matériel et on réunit des idées. Ça ne prendra pas un autre quatre ans pour produire le prochain album. On aimerait vraiment l’enregistrer dans la prochaine année, autant que possible, après les tournées. À ce jour, MONOTHEIST connaît un bon succès et on reçoit de nouvelles offres de tournée. Après les États-Unis, nous devrions aller en Amérique du Sud. Il y a aussi des discussions pour une tournée japonaise. En février et mars, nous ferons une tournée européenne. On verra ensuite dans quel état sera le groupe. Mais on n’a pas travaillé pendant quatre ans pour créer cet album, pour ensuite tourner pendant pratiquement toute une année juste pour laisser tout ça dormir ensuite. L’idée ici, c’est que Celtic Frost est de retour! Mais bon, nous sommes tous suffisamment vieux et matures pour savoir qu’on ne peut prédire l’avenir (rires).

Le livre «Are you morbid?» sera-t-il réédité? Ou aura-t-il une suite? (Autre question de Tower)

Tom a été approché. Et je crois qu’il aimerait bien prendre le temps de le mettre à jour et modifier des petites choses que l’éditeur précédent avait faites et qu’il n’aimait pas. Il n’y a pas d’échéancier toutefois. Je crois que ça viendra. Il n’a juste pas vraiment de temps à y consacrer pour le moment.

Vos roadies du début ont plutôt bien fait, dans les années 80 et 90, en formant le groupe de thrash technique Coroner. As-tu gardé le contact avec ces mecs?

Oui. En fait, je viens de rencontrer Tommy, le guitariste, la semaine dernière. Il a son propre studio ici en Suisse. Je rencontre aussi Marky de temps à autre.

Ce groupe a véritablement marqué la scène thrash à l’époque… Je sais qu’ils ont de grands fans ici au Québec. Prévoient-ils se réunir un jour?

Ils ont beaucoup de fans partout dans le monde. Mais non, ça ne fait pas partie de leurs plans. Tommy est très occupé avec le studio. Il y a investi beaucoup d’argent et il doit s’assurer que ça roule. Il y travaille beaucoup et il ne joue qu’un peu de guitare. Le connaissant, s’il voulait vraiment ramener Coroner, il voudrait se concentrer vraiment beaucoup sur la guitare. Même chose pour Marky, qui n’y montre de toute façon aucun intérêt réel. C’est du moins ce qu’ils m’ont dit.

Vous avez influencé tellement de groupes, que ce soit du death, du black ou du gothic métal. Ça doit être assez flatteur.

Oui, vraiment. Nous en sommes honorés. On réalise que c’est l’une des raisons pour lesquels Celtic Frost est toujours là et qu’on peut revenir 15 ans plus tard avec un nouvel album.

Y a-t-il un groupe dont tu as l’impression qu’il a fait le meilleur usage de cette influence?

Je crois que pour chaque groupe que j’ai écouté et qui se disait influencé par Celtic Frost, je n’y entendais rien qui nous ressemblait. Mais dans le fond, c’est à ça que devrait servir l’inspiration. Être inspiré par quelque chose pour créer sa propre affaire. Quand j’écoute du Nirvana ou du Sepultura ou encore du Opeth, je me dis : «OK, ces gars-là ont compris ce que Celtic Frost signifiait». C’est de créer ta propre affaire. C’est la chose qui a dû inspirer le plus les gens.

Comment trouves-tu la scène du métal extrême de nos jours?

Ça va bien. On retrouve vraiment beaucoup de variété aujourd’hui. Outre le black, le death et le doom, il y a aussi de l’électronique, des projets de musique extrême qu’on n’oserait pas toujours qualifier de métal, mais ça demeure de la musique intéressante. Nous venons de jouer avec un groupe de Montréal, Cryptopsy, à Londres, la semaine dernière, et c’est un groupe très impressionnant. Techniquement, ils sont vraiment excellents. Chacun de ces gars-là est meilleur techniquement que tous les musiciens de Celtic Frost réunis ne le seront jamais (rires). On n’a jamais été un groupe technique de toute façon. Les émotions et les atmosphères ont toujours primé pour nous. J’admire aussi Nile pour les mêmes raisons. J’aime tout le mouvement prog, si on peut considérer un groupe comme Mastodon comme étant du prog. Ça fait aussi partie de la scène métal extrême, même si ça se trouve peut-être de l’autre côté du spectre. Quand Opeth passent du folk au death métal, ils créent vraiment quelque chose de nouveau. Mike Akerfeld et son groupe créent vraiment une musique unique. Le métal est généralement beaucoup plus diversifié que ce que les gens peuvent penser.

J’en déduis que tu écoutes encore pas mal de métal…

Oui. Je n’ai jamais vraiment cessé. Il y a eu des moments où j’ai aussi écouté des choses très différentes. Mais j’ai toujours essayé de me tenir au courant de ce qui se passait dans la scène métal. Il y a des choses que je trouve intéressantes, alors que d’autres me laissent indifférent. Par exemple, tout ce qui a rapport au power métal ne me touche pas du tout. Iron Maiden et Judas Priest, ok, pas de problème, même Manowar au début. Je veux dire, les gars sont bien corrects et si les gens aiment ça, tant mieux, mais ne venez pas m’achaler avec ça (rires). Ce n’est pas MON métal. Il y a tellement de métal qui m’intéresse toutefois, comme tout le mouvement doom. C’est pour ça qu’on a demandé à Sunn0))) de nous accompagner pour une partie de notre tournée américaine sur la côte ouest. On vient de rencontrer Lee Dorian, de Cathedral, à Londres, qui a son label Rise Above avec des groupes comme Electric Wizard. Je les considère comme du métal extrême, même s’ils ne jouent pas extrêmement vite.

Que penses-tu de tous ces groupes des années 80 qui sont de retour? Évidemment, Celtic Frost en fait partie, mais as-tu une opinion sur le sujet en général?

En fait, j’ai plusieurs opinions, une pour chaque groupe qui l’a fait. Ils sont tous uniques. Certains groupes reviennent juste pour le plaisir de se retrouver et veulent revivre une certaine gloire… se sentir à nouveau comme s’ils avaient 20 ans. Pourquoi pas? Il y en a d’autres dont on réalise qu’ils reviennent juste pour l’opportunité de faire un coup d’argent. Certains obtiennent de bons montants pour jouer dans les festivals en Europe. Enfin, d’autres le font pour l’amour de la musique. S’ils veulent sonner comme le bon vieux temps ou moderniser leur son, ça les regarde. Mais la principale raison pourquoi on assiste à ça présentement, c’est que la scène métal est vivante et forte et il existe une demande. La scène métal est très consciente de son passé, de ses origines, et je crois que c’est un compliment aux gens qui ont bâti cette scène. On a des jeunes de 16 ans qui ont des albums de Black Sabbath à la maison… ou à tout le moins, qui ont téléchargé des albums de Black Sabbath (rires). Mais ils connaissent le riff de «Sabbath Bloody Sabbath». Ils savent que sans Black Sabbath, il n’y aurait jamais eu de black métal. Si tu dis «Black Metal», ils vont savoir que c’est une chanson de Venom. Et je ne crois pas que l’on voit ça dans les autres genres musicaux. Et en fin de compte, tu ne peux pas tromper les fans bien longtemps. Si c’est juste pour l’argent, mais que les gars font vraiment un bon show, ça va. Mais s’ils le font et qu’ils ne l’ont pas, ça va planter.

La question qui tue (gracieuseté de Tower)! As-tu déjà entendu la chanson «Celtic Frosted Flakes» du deuxième album de SOD, sorti en 1999?

(rires) Oui. Je l’ai entendue live quand ils ont fait la tournée pour supporter cet album. J’ai alors rencontré les gars, parce qu’ils sont tous de bons amis. J’ai produit un show de MOD (NDLR : autre projet de Billy Milano, chanteur de SOD) dans un de mes bars. Je crois que c’était leur premier en Suisse. Anyway, quand ils ont joué la toune, je leur ai dit que s’ils ne nous la dédiaient pas, j’allais leur entrer l’album dans le derrière (NDLR : «shove that album up your ass»). C’était la moindre des choses, il me semble! Cela dit, je la trouve bien drôle. J’aime ce genre d’humour.

Celtic Frost (2006)

Tom G. Warrior (Thomas Gabriel Fischer), voix et guitare
Martin Eric Ain, basse
Franco Sesa, batterie

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Les Top 5 de l’Automne 2005 (ARSENIC #2)

Publié : 18 juillet 2013 dans ARSENIC #2
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La couverture d’ARSENIC #2

Certains s’en rappelleront, dans les premières éditions d’ARSENIC, on publiait le Top 5 de nos collaborateurs au numéro en question. J’avais complètement oublié pour ma part, alors ce fut une agréable découverte en fouillant les fichiers pour préparer mon retour. Voici donc ceux de l’édition #2, parue à l’automne 2005. Que de souvenirs!

Les Tops

POFOCOUTE CAMPBELL, COLLABORATEUR
CRYPTOPSY – Once Was Not
ION DISSONANCE – Solace
KATAKLYSM – Temple Of Knowledge
MEGADETH – Rust In Piece
BENEATH THE MASSACRE – Evidence Of Inequity

SAM, COLLABORATEUR
BENEATH THE MASSACRE – Evidence Of Inequity
ONDSKAPT – Draco Sit Mihi Dux
BLOT MINE – Ashcloud
CROMLECH – The Vulture Tones
DEFEATED SANITY – Prelude To The Tragedy

PSYKODORK, ÉDITEUR
CRYPTOPSY – Once Was Not
ION DISSONANCE – Solace
NEURAXIS – Trilateral Progression
VORTEX – Imminence Of Death
HYPOCRISY – Virus

ZEF, COLLABORATEUR
DESPISED ICON – The Healing Process
HYPOCRISY – Virus
CAMILLA RHODES – Like The Word Love…
FISTFUCK / ABERRHANT – Split CD
MASTODON – Leviathan

TOWER, COLLABORATEUR
DREAM THEATER – Octavarium
NEURAXIS – Trilateral Progression
DREAM THEATER – Six degrees of Inner Turbulence
AM I BLOOD – Agitation
VOIVOD – Nothingface

CHRISTINE FORTIER, COLLABORATRICE
BETWEEN THE BURIED AND ME – Alaska
HYPOCRISY – Virus
VORTEX – Imminence Of Death
HATESPHERE – The Sickness Within
LENG TCH’E – The Process Of Elimination

SÉBASTIEN AUDET, COLLABORATEUR
DARKANE – Layer of lies
NAGLFAR – Pariah
ABORTED – Goremageddon
HYPOCRISY – The Arrival
NECROPHAGIST – Epitaph

DAN DONAHUE, COLLABORATEUR
JOURNEY – Greatest Hits
NOFX – Punk In Drublic
NEURAXIS – Trilateral Progression
THE BEATLES – Abbey Road
RUMPELSTILTSKIN GRINDER – Buried In The Front Yard