Articles Marqués ‘RIP’

piggyVous me pardonnerez mon manque de timing, cet article devait être en ligne hier soir, et j’ai finalement eu un contretemps. Je me reprends ce soir. Hier, on soulignait sur les réseaux sociaux le 8e anniversaire du décès de Denis «Piggy» D’Amour, guitariste fort respecté du légendaire groupe québécois Voïvod. Un musicien qui en a inspiré bien d’autres. Un musicien qui a su créer sa propre signature (ce n’est pas peu dire de nos jours). Un musicien qui a marqué son temps et ses contemporains. Plusieurs le citent encore aujourd’hui comme une référence dans le genre. Pour ma part, je ne répéterai que ce que j’ai toujours répété: j’ai vu Voïvod plusieurs fois en show et même s’ils n’avaient qu’un guitariste, j’avais toujours l’impression en les écoutant live qu’ils étaient plusieurs. Il avait cette capacité à prendre tout l’espace sonore que devaient prendre les guitares. Et ceux qui l’ont connu [je ne suis pas l’un d’eux, je ne l’ai rencontré que deux fois, très brièvement] n’en disent que du bien. Je vous laisse donc avec cet hommage posthume qu’avait commis notre collaborateur Sylvain «Tower» Latour pour notre #2, paru à l’Automne 2005.

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Le 26 août dernier, peu avant minuit, un des membres originaux de Voivod, le guitariste Denis D’Amour surnommé «Piggy», est décédé à l’âge de 45 ans des suites de complications dues à un cancer du côlon. Celui-ci aura eu raison de ce musicien d’avant-garde qui avait pourtant déjà remporté une bataille contre une tumeur maligne au cerveau causant l’annulation en 1988 d’une tournée américaine avec Testament et Vio-lence durant le chapitre Dimension Hatross. Les funérailles ont eu lieu à Jonquière, le 2 septembre suivant, où une guitare a été brûlée symboliquement.

Par Tower

Un départ qui fait réfléchir, comme à chaque fois qu’une quasi-légende du monde musical underground s’éteint et quitte sa forme terrestre. On aurait pourtant tendance à croire un peu naïvement en l’invincibilité à long terme d’un Chuck (Death), d’un Quorthon (Bathory) ou encore d’un Dimebag (Pantera), des pionniers qui, bien que par leur accomplissement en tant que terriens créateurs, soient sujets pour une horde de fanatiques et d’observateurs à l’immortalité au sens figuré.

Je suis convaincu que bien des gens de la région de Chicoutimi/Jonquière ne donnaient pas cher de la peau des protagonistes de la bande à Snake Bélanger, il y a une vingtaine d’années déjà, alors qu’ils prenaient la route pour la première fois pour aller faire entendre leur «bruit», une fusion d’éléments sonores qui semblait avoir été créée dans un laboratoire souterrain par de machiavéliques stratèges de guerre post-nucléaire. Le «Voivod» était né, et personne n’aurait cru que son exploration aura été aussi longue et palpitante, comme le matériel artistique qui a véhiculé son aventure, autant au niveau musical que conceptuel; une évolution dans laquelle Denis D’Amour aura joué un rôle de premier plan.

D’amour et de musique! C’est pour cela qu’il aura vécu. L’amplitude de ses goûts musicaux (de Rush à Venom en passant par King Crimson et Pink Floyd) aura influencé son aptitude à créer des assemblages d’accords particulièrement recherchés, et une structure musicale inattendue d’un album à l’autre. Un défi en ce qui concerne l’univers de Voivod, d’évoluer au niveau sonore dans la même mesure que le personnage (tout comme le Eddie de Iron Maiden) qui se perfectionnait (ou régressait) à chaque étape. Sa signature aura influencé une génération de groupes émergeant dans les années 90, notamment les Sepultura, Fear Factory et bien d’autres.

Piggy (que je décrirais comme une version thrash métal de Alex Lifeson de Rush) fut décrit personnellement comme quelqu’un de relativement privé, mais facile d’accès, dans le sens non-vedette de la chose. Alors que je faisais ma première couverture pour le fanzine Extreme Radiophobia, j’ai rencontré le guitariste pour la première fois à l’arrière-scène lors de la tournée Polliwog, le 12 juillet 1999 à Rouyn, juste avant leur 2e prestation en 10 ans dans ce périmètre. C’est en lui montrant une vieille carte d’affaires de Johnny Hart, gérant de Aggression de Montréal, au milieu des années 80, qu’il s’est rappelé non seulement de l’item en question, mais fait mention d’une «boîte à souvenirs» qu’il aimait redécouvrir au grenier de temps à autre, lui rappelant toutes sortes de choses se rapportant à son passé. Quatre mois plus tard, je le revis au concert de SOD aux Foufounes à Montréal, redevenu un kid nostalgique des 80’s pour l’occasion, au même titre que tous les autres trentenaires réunis dans la salle. Un contact amical encore une fois, un témoignage de simplicité, contrairement à la complexité de ses riffs, de sa musique, et de l’accomplissement global du band.

On se souviendra de lui comme d’un joueur important dans la reconnaissance de la scène métal ou alternative locale avec Voivod, le plus grand ambassadeur à l’étranger que nous aurons connu à ce jour. Il partait au front, non pas avec des convictions verbales, mais avec des armes qu’il façonnait lui-même, tel le Voivod intraterrestre; ses guitares… C’est avec celles-ci qu’il véhiculera partout sur la planète un message musical d’avant-garde, sur les 13 albums du groupe pendant 20 ans, un héritage qu’il nous aura légué sur vinyle et sur CD, valide jusqu’à la fin de nos propres jours.

Peu de temps avant de partir, Piggy aura confié à son batteur/graphiste Michel Langevin (dit «Away») la mission de prélever ses derniers essais de guitares pour permettre de compléter un prochain album qui était en cours de production. Malgré une mission ainsi interrompue pour lui, signifiant peut-être le chapitre final du Voivod, il aura pu faire un bilan très enviable en accomplissant ce que la plupart des terriens n’auront pu; avoir sorti album s par-dessus album s, la reconnaissance mondiale et avoir eu un impact significatif dans un monde aussi vaste que celui du métal, ou la musique progressive sous toutes ses formes. Malgré son absence, Piggy restera toujours sans contredit dans nos cœurs un des quatre «Warriors of Ice» de Jonquière…